Maintien de l’ordre : Les gendarmes mobiles sont au bord de l’épuisement
La Révision générale des politiques publiques [RGPP], appliquée à partir de 2008, a eu raison de 15 escadrons de gendarmerie mobile [EGM]. Et, désormais, il n’en reste plus que 109. Or, depuis, ces unités n’ont sans doute jamais été autant sollicitées, que ce soit pour assurer la sécurité des grands événements, intevernir pour démanteler des ZAD [zones à défendre] ou pour maintenir, voire rétablir, l’ordre lors de mouvements sociaux marqués de plus en plus en souvent par des épisodes violents.
Sur ces 109 EGM, a rappelé le général Michel Labbé, le chef de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale [IGGN], lors d’une audition menée par la commission d’enquête parlementaire sur les moyens des forces de sécurité, « 41 font l’objet d’un emploi permanent », dont 21 sont déployés outre-Mer ou en opérations extérieures [un peloton de gendarmes mobiles est, par exemple, actuellement présent au Venezuela], 8 sont à Paris pour des missions de protection au bénéfice du palais de justice, des ambassades, de la Banque de France ou encore de la DGSI, 5 sont impliqués dans la lutte contre l’immigration irrégulière et 4 assurent des « missions nucléaires », c’est à dire qu’ils surveillent des sites sensibles tant civils que militaires.
Aussi, depuis le 17 novembre, jour qui a marqué le début du mouvement dit des « gilets jaunes », seulement 68 escadrons de gendarmerie mobile ont pu être mobilisés pour assurer le maintien de l’ordre. Et cela, dans des conditions proche de l’insurrection [on se souvient de l’Arc de Tromphe vandalisé, de même que de nombreux commerces, restaurants, banques et biens particuliers… la facture s’élevant à 200 millions d’euros de dégâts, ndlr].
Histoire de corser l’affaire, les gendarmes mobiles ont également eu à intervenir régulièrement dans des zones relevant de la police nationale. Le 8 décembre 2018, lors de l’acte 4 des gilets jaunes, sur les 89.000 forces de l’ordre mobilisées, 65.500 étaient des gendarmes.
Certes, les « moblots » ont pu être épaulés par leurs camarades de la gendarmerie départementale. Mais ces derniers ne sont formés que pour des opération de maintien de l’ordre dite de basse intensité. Et ils sont équipés en conséquence.
Quoi qu’il en soit, cette sur-sollicitation des gendarmes mobiles s’est inscrite dans la durée. Et pour y faire face, les responsables de la gendarmerie ont dû prendre des mesures drastiques.
Ainisi, a expliqué le général Labbé, face à ce « suremploi durable », la gendarmerie a dû se résoudre à supprimer, à plusieurs reprises, les repos des « moblots » et à ne pas leur accorder leurs permissions. « Nous vivons à crédit. Cela veut dire que les droits à repos et à permissions de nos militaies n’ont pas pu être accordés. Et nous avons commencé cette année avec effectivement avec une dette, qui s’amplifie », a-t-il dit aux députés.
Au 10 mai, a poursuivi le général Labbé, les gendarmes mobiles ont accumulé [en moyenne] 5,86 jours de repos et 37,74 jours de permission de retard.
Pour que la situation revienne normale, il « ne faudrait pas dépasser 65 escadrons employés chaque jour. Or, depuis le 1er janvier, le taux moyen d’emploi des escadrons est de 74 chaque jour. Donc, notre dette va s’accroître », a prévenu le général Labbé.
Et les solutions pour juguler ce phénomène relèvent plus de la rustine qu’autre chose. Elles se résument à des décalage de relèves outre-Mer, en allongeant la durée de certains séjours de 3 à 4 mois, ce qui permet de « lisser dans le temps » certains mouvements et d’éviter que « tous les escadrons reviennent en même temps d’outre-Mer. » a expliqué le chef de l’IGGN. Mais, a-t-il souligné, ces ajustements restent « minimes par rapport aux enjeux ». D’autant que se profilent le 75e anniversaire du Débarquement, le sommet du G7 à Biarritz [qui s’accompagnera d’un « contre G7 » avec la présence, à n’en pas douter, des « black blocks »] ainsi que les renforts estivaux pour assurer la sécurité des vacanciers dans certaines zones touristiques.
Outre la sur-sollicitation des personnels, les matériels ont également beaucoup souffert au cours de ces dernière semaines. Notamment les véhicules, qui ne sont pas de toute première jeunesse. Selon le général Labbé, il faudrait entre 120 et 130 millions d’euros pour les remplacer [véhicules de commandement et de transmission, fourgons, etc] au sein des 109 EGM alors que l’enveloppe annuelle dédiée au parc automobile de l’ensemble de la gendarmerie n’est que de 40 millions d’euros.
Cela étant, et alors qu’il a été beaucoup question de « violences policières » lors des manifestations des « gilets jaunes », la Gendarmerie est relativement peu concernée par les signalements et les procédures judiciaires relatifs à de présumés comportements inappropriés chez ses militaires.
Le général Labbé ainsi indiqué avoir reçu « 41 signalements » [dont deux visaient en réalité la police] depuis le 17 novembre. Et sur les 15 enquêtes judiciaires, une a déjà été classée sans suite. Dans le détail, elles portent sur 4 usages de Lanceur de balles de défense [LBD], 2 cas de lancer de grenade [dont un où un manifestant qui a perdu « partiellement » une main en « voulant clairement ramasser une grenade], 7 cas d’usage execessif de la force et 2 cas de « propos inappropriés ». Enfin, l’une d’entre elles concernait la police.
Sur les 13.000 tirs de LBD, un peu moins de 1.000 ont été effectués par des gendarmes, qui ont eu, de leur côté 450 blessés à déplorer [dont 190 « moblots »]. Pour le chef de l’IGGN, cela s’explique par la solidité du commandement, le sens de la responsabilité des militaires ainsi que leur préparation à affronter des situations comme celles que l’on a connues ces dernière semaines.
« Un gendarme qui tire une grenade ou une balle de défense ne le fait pas tout seul, quand il en a envie. Il tire parce qu’on lui en a donné l’ordre. Et l’ordre a été confirmé deux fois. C’est un commandant d’escadron qui donne l’ordre, un chef de groupe qui le transmet au tireur en lui désignant l’objectif, la distance et la hausse avant de dire feu.