Le Royaume-Uni a relevé le niveau d’alerte pour ses militaires et ses diplomates présents au Moyen-Orient

Numéro deux de l’opération Inherent Resolve [OIR], c’est à dire de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, le général britannique Chris Ghika a pris le contre-pied de Washington, qui fait état depuis plusieurs jours de « signaux clairs » de préparatifs iraniens en vue d’une attaque contre les intérêts américains au Moyen-Orient.

Ainsi, lors d’une télé-conférence depuis Bagdad, le 14 mai, le général Ghika a affirmé qu’il n’y avait « pas d’aggravation de la menace posée par les forces pro-iraniennes en Irak et en Syrie ». Et d’ajouter : « Nous n’avons constaté aucun changement dans la posture ou le déploiement du Hachd al-Chaabi » [le mouvement paramilitaire irakien dominé par les milices chiites, ndlr] ». « Nous espérons et nous nous attendons à ce que cela continue », a-t-il ajouté.

L’officier britannique est allé encore plus loin. « Ce que je dis, c’est que nous surveillons les menaces avec beaucoup d’attention et que nous ajustons les mesures de protection de nos forces en conséquence », a-t-il enchaîné. « Est-ce que je m’inquiète du niveau de danger? Non, pas vraiment. Nous prenons toute une série de mesures de protection […] et nous les jugeons totalement satisfaisantes », a-t-il ensuite fait valoir.

Enfin, le général Ghika a rappelé que l’objectif de l’opération Inherent Resolve est de « vaincre l’EI » [État islamique ou Daesh] et que, par conséquent, « l’Iran ne figure ni sur les ordres qui m’ont été donnés, ni les directives, ni sur aucun document d’organisation. » Et d’insister : « Je le souligne parce que je pense que c’est vraiment important à ce stade. »

Par ailleurs, comme l’indique le site spécialisé « MilitaryTimes », un rapport publié très récemment par l’Inspection générale du Pentagone soulignait que les milices chiites inféodées à l’Iran « se concentraient sur le soutien au régime syrien contre l’État islamique et ne manifestaient pas l’intention d’attaquer les forces américaines ». Cependant, la situation pourrait changer « si l’Iran perçoit la volonté des États-Unis d’intensifier leurs activités anti-iraniennes dans un environnement post-EI », estimait ce document.

Reste que les propos du général Ghika ont jeté un froid entre Londres et Washington. Peu après la télé-conférence qu’il a donnée, l’US CENTCOM, le commandement militaire pour le Moyen-Orient et l’Asie Centrale, a fait relever le niveau d’alerte pour les troupes américaines déployées sur le territoire irakien tandis que le département d’État a ordonné le retrait d’Irak de son personnel diplomatique « non essentiel ».

Puis, le porte-parole du CENTCOM, le capitaine Bill Urban, s’est fendu d’un communiqué pour démentir « l’estimation » du général Ghika et assurer que le Pentagone continuait à « surveiller de près des menaces crédibles et peut-être imminentes contre les forces américaines en Irak. »

Puis, l’Allemagne et les Pays-Bas ont annoncé la suspension de la formation des forces irakiennes assurée par leurs troupes dans le nord de l’Irak en évoquant une « vigilance accrue » dans ce pays.

Quoi qu’il en soit, et après que le ministère britannique de la Défense [MoD] a tenté d’arrondir les angles en assurant que le général Ghirka ne s’était exprimé qu’en tant qu’officier « concentré sur la lutte contre l’EI » et qu’il avait été « clair sur le fait que des menaces pesaient sur les forces américaines et alliées », Londres aurait l’intention de relever le niveau d’alerte de ses troupes ainsi que ses diplomates basés non seulement en Irak mais aussi en Arabie saoudite, au Koweït et au Qatar. Cette information a été donnée par Sky News et le Daily Mail. Et cela, en raison d’un « risque sécuritaire accru ».

Un porte-parole du MoD n’a pas explicitement confirmé cette information. « Nous surveillons en permanence la sécurité de notre personnel et de nos moyens déployés. Les forces britanniques et de la coalition dans cette partie du monde sont soumises à diverses menaces. C’est pourquoi nous disposons d’une gamme très robuste de mesures de protection », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Le Royaume-Uni a depuis longtemps été clair sur ses préoccupations concernant le comportement déstabilisateur de l’Iran dans la région. »

Cela étant, pour le Daily Mail, cette décision « semble être une tentative pour lisser les relations entre deux alliés proches dans une région où les tensions se sont considérablement intensifiées ces derniers jours. » Le Telegraph a fait la même analyse. « Bien que les responsables britanniques s’inquiétent de la rhétorique américaine à l’égard de l’Iran, ils craignent de compromette la relation de sécurité la plus importante pour le Royaume-Uni en s’aliénant l’administration Trump », écrit-il.

Cependant, Sky News fait une autre lecture de cette décision. Ainsi, selon des explications données par une source gouvernementale, Londres estime que « l’Iran ou ses mandataires sont de plus en plus susceptibles de prendre des mesures contre les intérêts américains, britanniques ou alliés dans la région, d’une manière qui pourrait être démentie de façon vraisemblable afin d’éviter de déclencher une guerre totale. »

« L’objectif serait de provoquer des perturbations, mais pas de faire quelque chose qui pourrait être directement lié au régime et donc déclencher une dure réaction des États-Unis », a résumé cette source, pour qui l’objectif de Téhéran serait d’exprimer sa colère face au renouvellement des sanctions américaines.

Une source « bien informée » a également expliqué à Sky News que le général Ghika était « conscient du risque accru pour la sécurité car il avait vu un certain nombre de rapports de renseignement exposant la situation. » Et lors de la téléconférence du 14 mai, il « ne savait pas s’il était autorisé à divulguer cette information, raison pour laquelle il a plutôt choisi un ton plus prudent », a-t-elle ajouté. Ce qui est quand même un peu tiré par les cheveux…

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]