Les forces nigériennes ont subi de lourdes pertes lors d’une embuscade tendue près de la frontière malienne
L’attaque de la prison de Koutoukalé, située à 45 km de Niamey, a-t-elle été un leurre pour les forces armées nigériennes? Cette forteresse, qui compte notamment des jihadistes et de narco-trafiquants parmi ses prisonniers, a été visée par une dizaine d’hommes armés dans l’après-midi du 13 mai. L’assaut, qui a été repoussé par la garde nationale, a fait un tué dans les rangs de cette dernière.
Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. En effet, des éléments des forces armées nigériennes actuellement engagés dans l’opération Dongo, lancée en 2017 pour contrer les incursions de jihadistes venus du Mali, se sont lancés à la poursuite des assaillants.
Le 14 mai, un de leurs véhicules a été visé par un engin explosif improvisé. Puis, arrivée sur les lieux en renfort, une patrouille d’une cinquantaine de soldats a été prise sous le feu des terroristes, près du village de Tongo Tongo, dans la région de Tillabéri, là-même où, en octobre 2017, quatre commandos américains furent tués lors d’une embuscade revendiquée par l’État islamique au Grand Sahara [EIGS].
Selon RFI, le guet-apens dans lequel sont tombés les soldats nigériens avait été minutieusement préparé, les antennes relais téléphoniques ayant été détruites une semaine plus tôt.
Les détails des évènements restent encore à préciser. Selon le site ActuNiger, la patrouille nigérienne comptait 52 soldats. Elle est « tombée dans une embuscade d’individus lourdement armés mardi aux environs de 15 h à Baley Beri, près de Tongo Tongo » et les « combats d’une rare violence » ont « duré plus de deux heures », a-t-il ajouté.
Le bilan, qui n’est pas encore définitif, s’annonce très lourd. Sur la cinquantaine de militaires pris dans cette embuscade, seulement 22 ont pu gagner la base de Ouallam à bord de trois véhicules. Le sort des autres est incertain : soit ils ont été tués, soit ils sont portés disparus. Selon une source sécuritaire contactée par l’AFP, cette attaque aurait fait au moins 17 morts. Et 11 soldats sont encore manquants.
Au cours de ces cinq dernières années, plus d’une vingtaine d’attaques ont visé les forces armées nigériennes dans la zone frontalière avec le Mali, qui s’étant du nord de la région de Tillabéri à l’ouest de celle de Tahoua. Plus d’une centaine de soldats et de gendarmes y ont laissé la vie.
Le phénomène jihadiste dans cette partie du Niger, relativement récent, est en partie lié à l’extension de la crise malienne à partir de 2012 étant donné que de jeunes nigériens avaient rejoint les groupes terroristes maliens avant de revenir dans leur pays après l’opération française Serval. En outre, il se nourrit également de l’absence de l’État nigérien dans le Tillabéri, ainsi que des tensions interethniques.
En novembre dernier, le général Ahmed Mohamed, le chef d’état-major de l’armée nigérienne avait affirmé que le secteur dit des trois frontières, car situé aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, était en train de devenir « un de groupes terroristes et criminels », en plus d’être déjà le « théâtre d’attaques, d’assassinats ciblés et d’enlèvements fréquents. »
Comme l’a tragiquement montré l’attaque de Tongo Tongo d’octobre 2017, l’EIGS y est particulièrement bien implanté.
« Quelques figures jihadistes ont émergé des deux côtés de la frontière mais aucune ne semble en mesure de s’imposer comme chef incontesté. Le plus connu est Adnan Abou Walid al-Sahraoui, à la tête d’un groupe de combattants ayant fait allégeance à l’Etat islamique [EI]. Contrairement aux autres dirigeants jihadistes de la région sahélo-saharienne, Abou Walid s’exprime peu dans les médias et n’est pas originaire de la zone dans laquelle son groupe est actif. Certains attribuent son influence à son charisme, d’autres à l’argent qu’il recevrait de l’EI ou de parrains mal identifiés. Sa présence sur le théâtre des opérations semble rare et il s’appuierait sur des lieutenants locaux qui lui sont plus ou moins fidèles », expliquait, l’an passé, l’International Crisis Group.
Cela étant, cette embuscade qui s’annonce particulièrement meurtrière pour l’armée nigérien n’est pas de bon augure pour la Force conjointe du G5 Sahel, dont le Niger est l’un des contributeurs. D’autant plus que des unités engagées dans l’opération Dongo ont pu bénéficier de formations délivrées par des militaires de la Force Barkhane et des Eléments français au Sénégal [EFS] à Ouallam.