Libye : Des drones chinois acquis par les Émirats arabes unis impliqués dans des raids à Tripoli?

La lutte pour le pouvoir en Libye se caractérise aussi par des ingérences étrangères. Ainsi, le Gouvenement d’entente nationale [GNA], reconnu par la communauté internationale car formé sous l’égide des Nations unies à la suite des accords de Skhirat [Maroc], peut se prévaloir du soutien de la Turquie et du Qatar [lequel est en bons termes avec l’Iran]. De son côté, le gouvernement de Tobrouk, issu du Parlement légitimement élu en juin 2014 et dont l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar est le bras armé, est soutenu par l’Égypte et les Émirats arabes unis, avec, en toile de fond, l’hostilité des autorités de ces deux pays contre la confrérie des Frères musulmans.

L’appui que fournissent les Émirats arabes unis aux troupes du maréchal Haftar va bien au-delà d’une simple aide matérielle. Ainsi, depuis 2016, on sait que des forces émiraties ont été déployées sur la base aérienne d’Al-Khadim, située à 100 km environ de Benghazi. L’imagerie satellitaire avait permis, à l’époque, de déterminer la présence d’au moins 6 avions légers d’attaque au sol Air Tractor AT-802, 2 hélicoptères UH-60 Black Hawk et de 2 drones MALE [moyenne altitude longue endurance] Wing Loong, c’est à dire des appareils inspirés du MQ-1 Predator américain et produits par le chinois Chengdu Aircraft Industry Group.

Ces moyens aériens ont appuyé l’ANL lors des combats menés contre les groupes jihadistes présents dans l’est de la Libye. Comme en mai 2018, quand la « Force de protection de Derna », une organisation extrêmiste commandée par Ateyah Al-Shaari, annonça la mort de 5 des siens, tués lors de frappes effectués par un « drone étranger ». La vidéo de l’appareil impliqué permit de déterminer qu’il s’agissait d’une Wing Loong et non d’un MQ-1 Predator comme cela fut initialement avancé.

Depuis avril, les troupes du maréchal Haftar tentent – vainement pour le moment – de déposer le GNA dans le cadre d’une offensive menée en direction de Tripoli. Ce qui a donné lieu à des frappes aériennes [ainsi qu’à des avions abattus…].

Dans la nuit du 27 au 28 avril, des bombardements ont été signalés dans le quartier d’Abou Slim, située au sud de la capitale libyenne. D’après le GNA, ce raid aurait fait au quatre tués et vingt blessés. « La plupart des frappes ont touché des secteurs du quartier d’Abou Slim », mais « aucune n’a touché de cibles militaires », a ainsi confié une source pro-GNA à l’AFP.

Le porte-parole du gouvernement de Tripoli, Mohanad Younes, a ensuite accusé le maréchal Haftar d’avoir eu recours à une aviation étrangère pour frapper les civils sans armes dans la ville ». Et, a priori, il n’est pas impossible que ces frappes aient été réalisées par des drones Wing Loong mis en oeuvre par les forces émiraties. En tout cas, la probabilité est assez forte…

Fin connaisseur des forces en présence en Libye, notamment au niveau des capacités aériennes, Arnaud Delalande a analysé des photographies de fragments de missiles retrouvés après des frappes effectuées le 17 avril dernier, lors des combats à Wadi Rabe et à Aziziya. Et il est formel.

« La comparaison avec le missile guidé anti-char de fabrication chinoise LJ-7, également appelé ‘Blue Arrow-7’, a confirmé que ce type de missile a été utilisé dans les deux frappes aériennes », écrit Arnaud Delalande sur son blog. Or, poursuit-il, pendant chinois de l’AGM-114 Hellfire, le missile LJ-7 « peut être emporté par le drone Wing Loong 2 », qui « est notamment utilisé par la force aérienne des Émirats qui en a déployés certains à la base aérienne d’Al-Khadim. »

Par ailleurs, les informations en provenance de Libye sont à prendre avec des pincettes. Ainsi, le quotidien Libya Observer, citant la chaîne de télévision qatarie al-Jazeera, a indiqué qu’une frégate française avait accosté au port de Ras Lanouf pour livrer des armes aux forces du marécha Haftar. En réalité, il s’agissait de l’Alkarama, un patrouilleur fourni à l’ANL par les Émirats arabes unis…

En revanche, il est avéré qu’un cargo iranien, le Shahr E Kord, transortant 144 conteneurs, est actuellement au mouillage à Misrata. Selon le site marinetraffic.com, ce navire a quitté le port de Burgas, en Bulgarie, pour se rendre à Misrata. Or, le 27 avril, le GNA a assuré qu’il avait a été arraisonné pour un contrôle de sa cargaison en raison de sa présence « sur la liste des sanctions des États-unis et de l’Union européenne ».

Le porte-parole de l’ANL, le général Ahmad Al-Mesmari, avait évoqué la présence du cargo iranien au large de Misrata dès le 23 avril. Et il avait laissé entendre qu’il transportait des munitions destinées aux milices loyales au GNA. « Si les conteneurs contiennent des armes et des munitions, ce serait alors une honte pour la communauté internationale », a-t-il encore dit quatre jours plus tard.

Le 28 avril, le ministère de l’Intérieur relevant du GNA a assuré qu’une « vérification minutieuse des navires et des conteneurs n’a révélé aucune marchandise interdite » à bord du Shahr E Kord.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]