L’État islamique revendique sa première attaque en République démocratique du Congo
Le 15 avril, le Trésor américain a annoncé avoir pris des sanctions financières ciblées contre 7 personnes liées au « réseau Rawi » qui, basé en Irak, a recours au hawala, c’est à dire un système islamique informel permettant le transfert de fonds sans passer par les canaux bancaires, afin de financer les activités de l’État islamique [EI ou Daesh]. Et parmi ces individus sanctionnés figure une certaine Halima Adan Ali, une femme établie au Kenya, que Washington accuse de soutenir matériellement les jihadistes implantés en Libye et… en Afrique centrale.
Or, même si elle a pu être évoquée par certains pays concernés, la présence en Afrique Centrale de jihadistes paraissait jusqu’à présent marginale. Au point que le dernier rapport des Nations unies relatifs à l’État islamique n’évoque nullement l’implantation – même éventuelle – de l’organisation terroriste dans cette région. Pas plus que celui sur la situation en République démocratique du Congo [RDC], qui parle surtout des exactions commises au Nord-Kivu par les Forces démocratiques alliées [ADF], un groupe islamiste radical d’origine ougandaise.
Pourtant, en octobre 2017, un nouveau groupe se réclamant de l’État islamique, le « Madinat Tawhid wa-l-Muwahidin » [MTM – la ville du monothéisme et des monothéistes], fit son apparition en RDC. Via une vidéo diffusée par les canaux jihadistes habituels [voir photo ci-dessus], l’un de ses combattants, arabophone, avait appelé au « jihad » dans la région. Mais cette déclaration ne fut a priori pas suivie d’effet… Et l’on pouvait penser que l’Afrique centrale n’était pas une zone d’intérêt pour l’EI… Du moins à l’époque.
D’après le Groupe d’étude sur le Congo, basé Centre de coopération internationale de l’Université de New York, les ADF et le MTM auraient opéré un rapprochement au cours de ces derniers mois. Et des vidéos attribuées à cette organisation ne fait aucun doute sur ses objectifs : établir un « califat » et appliquer la chara [loi islamique] en République démocratique du Congo et en Ouganda.
Cela étant, ce n’est pas surprenant. En janvier 2017, le journaliste Nicaise Kibel’bel avait averti de l’influence grandissante des jihadistes dans la région des Grands Lacs auprès de Franceinfo.
« Il y a 12% de musulmans chez notre voisin immédiat l’Ouganda. Dans les années 2000, ils étaient seulement 7%. Vous avez des pays comme la Tanzanie et le Kenya où la majorité de la population est musulmane. L’objectif effectivement est d’installer un califat. La RDC sert comme une zone de recrutement et de formation au jihad, pour que ces gens formés en RDC puissent occuper toute la région des Grands Lacs. Et ils y tiennent mordicus », avait expliqué le journaliste congolais.
Reste que, jusqu’à présent, l’État islamique n’avait jamais encore revendiqué la moindre attaque en RDC. Mais c’est désormais chose faite.
En effet, dans un premier message diffusé le 18 avril, Amaq, l’agence de presse de l’organisation jihadiste, a fait état d’une attaque menée par des « combattants de l’État islamique » contre les forces armées congolaises [FARDC] à Kamango, près de la frontière avec l’Ouganda.
Puis Amaq a publié un second message afin de préciser le premier. Et d’évoquer l’attaque d’une caserne dans le village de Bovata [situé à une dizaine de kilomètres de Kamango] et la mort de trois soldats. L’assaut a été confirmé par des sources militaires au sein de la MONUSCO. Ainsi, il a effectivement eu lieu dans la nuit du 16 au 17 avril. Et le bilan est bien de trois tués [2 soldats et 1 civil]. En outre, les assaillants ont « temporairement occupé » la caserne visée avant d’en être chassés par les FARDC.
Quoi qu’il en soit, l’État islamique a attribué cette attaque à la « Wilayat Wasat Ifriqiyah » [ou « Province d’Afrique centrale »], ce qui est une façon de reconnaître l’allégeance du MTM [voire des ADF].