Face à la Russie, un rapport américain veut renforcer les capacités de défense « non conventionnelles » des pays baltes

Redoutant de subir le même sort que l’Ukraine, les trois pays baltes [Estonie, Lettonie, Lituanie] et la Pologne ont obtenu que l’Otan mette en place une « présence avancée renforcée » [eFP] sur son flanc oriental, via le déploiement de quatre bataillons multinationaux. Ce dispositif est complété par une force de réaction très réactive, dont le commandement est assuré par l’Allemagne depuis le 1er janvier dernier.

Théoriquement, et si l’on ajoute la clause de défense collective prévue l’article 5 du traité de l’Atlantique-Nord, de telles mesures paraissent suffisantes pour dissuader la Russie de toute action malveillante. En pratique, rien n’est moins sûr. C’est, du moins, ce qu’estime la Rand Corporation, dans un rapport réalisé à la demande du Pentagone [.pdf].

Ainsi, avancent les auteurs de cette étude, les pays baltes « sont quotidiennement soumis à des opérations de propagande et de désinformation russes conçues pour saper la confiance de leurs populations dans leurs institutions, attiser des tensions ethniques et sociales, éroder la confiance à l’égard des engagements pris par l’Otan en matière de défense collective ».

En outre, poursuivent-ils, ces trois pays sont « vulnérables aux opérations spéciales russes » ainsi qu’à d’éventuels mouvement des « forces régulières déployées près de leurs frontières » par Moscou. Aussi, « à la lumière de ces préoccupations et du déséquilibre existant entre les forces classiques russes et celles déployées par l’Otan dans la région de la Baltique », les gouvernements baltes ont « adopté et intégré des concepts non-conventionnels dans leurs plans de défense ».

Or, le rapport de la Rand Corporation propose justement de miser sur les capacités de défense totale [TD] et de guerre non-conventionnelle [UW] développées par ces pays dans la mesure où elles ont le « potentiel de dissuader, retarder et perturber » une éventuelle agression militaire russe.

Effectivement, s’ils ont considérablement augmenté leurs dépenses militaires depuis 2014 afin de développer et de moderniser leurs forces conventionnelles, ils ont également fait des efforts afin d’améliorer la résilience de leurs populations et de mettre sur pied des formations paramilitaires faisant appel à des volontaires civils.

« Le meilleur moyen de dissuasion est non seulement des soldats armés mais aussi des citoyens armés », fit en effet valoir, en novembre 2016, le général Meelis Kiili, le commandant de la Ligue de défense estonienne. Ainsi, à Tallinn, on mise sur des actions de guérilla en cas d’occupation militaire russe. « La guerre de partisans est notre seul moyen. Nous ne pouvons pas égaler leurs blindés. Nous devrons nous regrouper dans de petites unités et détruire le plus possible de leurs convois logistiques. Nous devrons les ‘piquer’ partout où nous le pourrons », avait résumé un ancien caporal de l’armée estonienne au New York Times.

Le rapport de la Rand Corporation est donc arrivé à la même conclusion. Aussi, il propose un plan de 125 millions de dollars pour renforcer les capacités « irrégulières » des pays baltes. Ce qui passerait pas la fourniture de jumelles de vision nocturne, de téléphones satellitaires, de matériels informatiques, de véhicules tout-terrain, de mini-drones, de postes de radios ou encore d’armes de petit calibre et de missiles anti-chars et anti-aériens. Il recommande également la constitution de « stocks décentralisés » et de « caches » comprenant des vêtements, matériels de protection, des médicaments, de la nourriture et de l’argent afin de soutenir les « cellules de résistance » en cas de guerre.

En cas d’invasion russe, la défense des pays baltes s’organiserait selon selon quatre niveaux : des soldats réguliers, membres des forces spéciales ou non, se concentreraient sur les actions violentes [embuscades, par exemple] tandis que les paramilitaires se chargeraient des opérations de sabotage, voire de renseignement. Les civils pourraient apporter leur soutien [nourriture, soin des blessés, etc] et opposer une résistance non-violente [désobéissance civile].

Pour Stephen Flanagan, l’un des auteurs du rapport, ce programme compléterait les moyens de « défense conventionnelle » des pays baltes et de l’Otan. En outre, il permettrait de donner du temps aux Alliés pour s’organiser et intervenir.

Les États-Unis, l’Otan et l’Union européenne « pourraient prendre d’autres mesures concrètes pour soutenir le développement des capacités de défense totale et de guerre non conventionnelle des pays baltes », avance encore ce rapport. Comme, par exemple, en renforçant la coopération en matière de gestion de crise, de partage du renseignement ou de lutte contre la désinformation et les attaques « hybrides ».

Co-auteur de ce document, Jan Osburg, voit un autre intérêt à cette approche. « La défense totale et la guerre non conventionnelle impliquent principalement des capacités défensives et sont donc moins susceptibles d’être qualifiées de provocatrice » par la Russie, explique-t-il.

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