Á l’approche d’élections locales incertaines, le gouvernement turc provoque la Grèce
Ce 31 mars, les électeurs turcs seront appelés aux urnes pour désigner leurs prochains maires. Et, en raison de tensions économiques et sociales qui risquent de favoriser l’abstention, ce scrutin s’annonce incertain pour le Parti de la justice et du développement [AKP], la formation politique dont est issu le président Recep Tayyip Erdogan.
Est-ce pour remobiliser un électorat désabusé? Toujours est-il que, ces derniers jours, le gouvernement turc a haussé le ton en provoquant son homologue grec. Pour rappel, la Turquie et la Grèce sont membres de l’Otan depuis 1952, ce qui ne les préserve pas d’avoir de sérieux contentieux.
Ainsi, le 25 mars, à l’occasion de la fête nationale grecque [qui commémore le début de la guerre d’indépendance de 1821 contre l’empire ottoman, ndlr], le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, avait prévu de se rendre sur l’île d’Agathonissi, située au sud-est de la mer Egée, à bord d’un hélicoptère CH-47 Chinook. Seulement, son appareil a été gêné par l’apparition d’avions de chasse turcs [ a priori, des F-4 Phantom].
« En raison du jour, les avions de chasse turque ont apparemment voulu participer à notre fête nationale », a ironisé M. Tsipras, via un communiqué. « Ils ont forcé l’hélicoptère dans lequel je me trouvais à manœuvrer à basse altitude jusqu’à ce que nos avions les interceptent dans notre espace aérien nationale », a-t-il ensuite raconté.
« Le message que je veux leur envoyer [aux Turcs] est que de telles actions stupides n’ont aucun sens et qu’elles consomment du kérosène pour rien. Nous serons toujours là pour défendre notre intégrité nationale », a conclu le Premier ministre grec.
Le lendemain, Dimitris Tzanakopoulos, le porte-parole du gouvernement grec, a indiqué que le ministère des Affaires étrangères avait effectué une « démarche forte » contre la Turquie. Mais sans donner de précisions. Mais selon une source diplomatique citée par l’AFP, la diplomatie grecque aurait convoqué Burak Özügergin, l’ambassadeur de Turquie en poste à Athènes, pour lui remettre très probablement, une protestation officielle.
Ce nouvel incident est survenu quelques jours après la condamnation par Athènes de propos tenus par Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense. En effet, ce dernier avait déclaré que Chypre et la mer Égée « se trouvaient dans les eaux territoriales turques ».
« Bien que nous soyons dans une phase où nous luttons pour trouver des moyens de désamorcer les tensions, la Turquie nous a surpris avec quelque chose de nouveau », a répondu Evangelos Apostolakis, le ministre grec de la Défense. Toutefois, a-t-il continué, « quand le droit international et les traités sont mis en cause, nous devons nous inquiéter. »
Mais M. Erdogan en a remis une pièce dans la machine en estimant que l’ex-basilique Sainte-Sophie d’Istanbul, devenue un musée en 1935, devait redevenir une mosquée. De quoi attiser la colère d’Athènes, qui a déjà exprimé, à plusieurs reprises, ses préoccupations au sujet du statut de ce monument, classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Quoi qu’il en soit, pour une partie de la presse grecque, ces « provocations » turques ne sont pas forcément liées au contexte electoral.
« Il a souvent été souligné que les taciques d’intimidation de la Turquie faisaient partie d’une stratégie plus large. Il est difficile de prédire ce que cette stratégie pourrait entraîner si Ankara estimait bénéficier d’un timing favorable. Cette rhétorique ne vise certainement pas exclusivement les affaires intérieures [turques] – en particulier les prochaines élections locales en Turquie – comme beaucoup de gens voudraient bien le croire ici en Grèce. Pour cette raison, Athènes doit être constamment sur ses gardes, tout en renforçant les capacités de ses forces armées », estime ainsi le très sérieux quotidien I Kathimeriní.
Photo : capture d’écran