Méditerranée/Migrants : Finalement prolongée, la mission de l’UE « Sophia » devra se passer de navires

Depuis que la coalition « anti-système », formée par le Mouvement cinq étoiles [M5S] et la Ligue, est au pouvoir en Italie, la mission européenne EUNAVFOR Sophia, lancée en 2015 pour « casser » le modèle économique des passeurs de migrants en Libye, est menacée, en raison d’un désaccord profond entre Rome et d’autres États membres sur les règles relatives au débarquement des personnes secourues en Méditerranée par les navires militaires impliqués dans cette opération.

En effet, le gouvernement transalpin entend faire en sorte que l’Italie, qui est à la tête de l’opération Sophia, ne soit pas la seule à prendre en charge les migrants recueillis en mer. D’où sa demande pour mettre en place un système de rotation pour les ports de débarquement. Un temps menacé, l’an passé, la mission a finalement été maintenue jusqu’au 31 mars, sans qu’une solution ait été trouvée.

Aussi, l’Italie est revenue à la charge. En janvier, son ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, a prévenu : « soit les règles changent, soit il est mis fin à la mission. » Seulement, son collègue des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, a ensuite précisé que Rome « n’avait jamais demandé la fin de Sophia », a-t-il assuré.

Suite à ces déclarations, le commissaire européen aux Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, a rappelé qu’il revenait aux États membres de prendre une décision sur l’avenir de l’opération Sophia, qui, selon lui, est une « réussite ». Et de mettre l’Italie devant ses responsabilités étant donné que c’est elle qui « est aux commandes » de la mission.

Puis, l’Allemagne a annoncé le retrait de la frégate Augsburg de cette opération et indiqué « ne pas prévoir » de la remplacer « pour l’instant ». Ce qui fait que, depuis février, seulement deux navires européens sont déployés en Méditerranée centrale au titre de Sophia. Acutellement, ce sont le patrouilleur espagnol ESPS Rayo et la frégate italienne ITS Luigi Rizzo qui sont sollicités.

Le 18 mars, les désaccords n’ayant pas trouvé de solution, Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a averti que la mandat de l’opération Sophia risquait de ne pas être reconduit.

« J’espère toujours qu’un accord sera trouvé, mais je ne vois pas de mouvements et en l’absence de développements, l’opération Sophia devra être abandonnée, avec toutes les conséquences que cela implique, malheureusement », a en effet déclaré Mme Mogherini, à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, à Bruxelles.

Finalement, selon un responsable européen cité par l’AFP, il a été décidé, ce 27 mars, prolonger de six mois de plus l’opération Sophia et, dans le même temps, de « suspendre temporairement » le déploiement de navires en Méditerranée centrale. « À ce stade aucune solution n’a été trouvée sur la question du débarquement » des migrants secourus, a-t-il expliqué.

À l’origine, Sophia a été conçue pour être avant tout une opération navale. Aussi, sans navires, on voit mal comment elle mènera à bien les tâches qui ont été assignées. Sauf à changer la nature de ses missions.

Sans navires mis à sa disposition par les États membres, l’opération Sophia se limitera à des patrouilles aériennes pour repérer les embarcations de migrants [l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et la Pologne fournissent actuellement des avions et des hélicoptères, ndlr] ainsi qu’à la formation des gardes-côtes libyens.

Depuis son lancement, l’opération Sophia a souvent été critiquée, notamment parce que les trafiquants s’étaient adaptés à sa présence, en envoyant des embarcations chargées de migrants avec juste assez d’essence pour atteindre les eaux internationales. Et jamais elle ne reçut l’autorisation d’opérer dans les eaux et sur le littoral libyen, comme cela avait été prévu dans sa planification.

Cela étant, en janvier, son commandant, l’amiral italien Enrico Credendino, avait mis en avant les bons résultats obtenus par cette opération. « Nous avons rendu inopérationnelles 550 embarcations de passeurs, arrêté 150 passeurs et mené des opérations de contrôle contre le trafic d’armes et de pétrole » et « depuis […] 2015, nous avons secouru 45.000 migrants dans les eaux internationales […], ce qui représente 9% du total des migrants secourus en Méditerranée. Donc c’est un chiffre limité car si Sophia avait eu le secours en mer dans son mandat, nous en aurions secouru 500.000, pas 45.000 », avait-il fait valoir.

Photo : EMA

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