Les forces afghanes sont en grande difficulté dans la province de Baghdis, près du Turkménistan

Lors d’une audition au Congrès des États-Unis, le général Joseph Votel, le chef de l’US CENTCOM [commandemement pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient] a été clair : la situation de l’Afghanistan « ne permet pas » un retrait des forces américaines et un désengagement de la mission Resolute Support, de l’Otan.

« Les forces afghanes dépendent du soutien de la coalition » et « mon avis est que toute décision de réduire les forces en Afghanistan devrait être prise après une pleine consultation de nos partenaires de la coalition et bien sûr du gouvernement afghan », a en effet affirmé le général Votel, le 7 mars. Et d’insister : « Les conditions politiques et les progrès achevés sur la voie de la réconciliation ne permettent pas aujourd’hui » un retrait, lequel doit être lié à des « progrès politiques ».

Un rapport remis une semaine plus tôt au Conseil de sécurité par Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a affirmé que les « conditions de sécurité » en Afghanistan restent « très précaires ». Ainsi, si le nombre d’atteintes à la sécurité a diminué de 5% en 2018 [22.478 contre 23.744 constatés un an plus tôt, un record], de même que celui des affrontements armées [-10%], « les assassinats ciblés et les enlèvements ont augmenté de 9 % par rapport à 2017, tandis que 106 attentats-suicides ont été enregistrés, chiffre le plus élevé depuis 2014, soit 5 % d’augmentation par rapport à 2017. »

Dans le même temps, le nombre de victimes civiles a atteint son plus haut niveau depuis 2009, avec 3.804 tués et 7.189 blessés. La Mission des Nations unies en Afghanistan [MANUA] a « attribué 63% de toutes les pertes civiles à des éléments hostiles au gouvernement [dont 37 % aux Taliban et 20 % à l’EI-K], 24 % aux forces progouvernementales [14 % aux Forces nationales de sécurité afghanes, 6 % aux forces militaires internationales et 2 % aux groupes armés progouvernementaux] et 10 % à des tirs croisés dont l’origine n’a pu être confirmée survenus durant des affrontements au sol. »

En outre, indique ce rapport, « les Taliban ont réussi à prendre temporairement le contrôle de 21 centres administratifs de district tout au long de l’année [2018], soit le deuxième chiffre le plus important depuis que la responsabilité de la sécurité a été transférée aux forces afghanes à la fin de 2014. » Et cela, alors que « les frappes aériennes, qui avaient déjà augmenté de 67,6 % entre 2016 et 2017, ont accusé une hausse de 42 %, passant de 950 en 2017 à 1 352 en 2018. »

Cela étant, les États-Unis et le mouvement taleb afghan ont entamé des négociations afin d’obtenir un accord de paix. Ce qui donne d’ailleurs lieu à des tensions entre Washington et Kaboul dans la mesure où les autorités afghanes ne sont pas associées à ces discussions qui, aux dires l’émissaire américain pour l’Afghanistan, Zalmay Khalilzad, ont connu une « vraies avancées » ces derniers jours.

Seulement, parallèlement à ces discussions, les taliban continuent d’attaquer. Le 1er mars, alors que devait s’ouvrir un nouveau cycle de négociations à Doha [Qatar], ils ont lancé un assaut « complexe » contre une base américano-afghane implantée dans la province du Helmand. Puis, depuis maintenant deux semaines, ils tentent de s’emparer du district de Bala Murghab, dans la province de Baghdis, située dans le nord-ouest de l’Afghanistan, à la frontière avec le Turkménistan.

Dans un premier temps, les taliban ont bloqué toutes les routes menant à Bala Murghab. Puis ils ont donné l’assaut contre 11 postes de sécurité, mettant en déroute une compagnie de l’armée nationale afghane [ANA]. Puis, selon Tolo News, ils ont progressé jusqu’à arriver à 1 km du centre de ce district. La police locale a ensuite annoncé une « contre-attaque », à l’issue de laquelle, a-t-elle assuré, les insurgés ont été « vaincus ».

Le 15 mars, les responsables de la sécurité de ce district ont en effet assuré que la situation était « sous le contrôle » des forces gouvernementales. « Nous avons lancé des opérations militaires dans certaines zones et la situation est désormais normale dans le district. Nous pouvons cibler l’ennemi où qu’il se trouve », a même déclaré Khalil-Ur-Rahman Jawad, le chef de la police provinciale.

En réalité, la situation est très confuse. En effet, si l’on en croit Mohammad Naser Nazari, un membre du conseil provincial, la force frontalière afghane, qui relève du ministère de la Défense, a été mise en déroute par les taliban, avec environ 50 de ses membres capturés et une centaine d’autres ayant trouvé refuge au Turkménistan voisin. Ce qui a été confirmé au New York Times par le Saleh Mohammad Mubarez, le commandant de la police afghane dans le district, ainsi que par son adjoint, le lieutenant Habibullah.

Et dans cette affaire, les autorités turkmènes n’auraient pas hésité à remettre les fuyards aux taliban. Ce qui fait que, selon un décompte du New York Times, les combats de Bala Murghab auraient fait 44 tués parmi les forces de sécurité afghanes, ainsi que 190 prisonniers.

Cependant, les responsables afghans ont contesté ces chiffres, assurant qu’au moins 58 soldats ayant fui au Turménistan étaient depuis rentrés chez eux. Et le porte-parole de la province de Badghis a même expliqué que cette fuite faisait « partie d’un plan de sécurité précédemment établi. » Puis le ministère afghan de la Défense a assuré que les combattants en question n’étaient pas des soldats réguliers mais des miliciens locaux. En un mot, c’est la confusion totale.

Quoi qu’il en soit, selon le chef de la police du district de Bala Murghab, « la situation est très mauvaise » et les taliban sont sur le point de s’emparer de ce secteur. « Les renforts n’ont pas été suffisants. La force aérienne doit aider et lancer des frappes aériennes », a-t-il confié au New York Times. Or, a priori, un tel appui n’est pas envisageable pour le moment étant donné que les taliban « utilisent les maisons des civils comme abris. »

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