Ancien diplomate ayant dirigé la DGSE, M. Bajolet déplore le manque de suivi politique des OPEX

Lors de l’audition de Bernard Bajolet par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, la sénatrice Gisèle Jourda a évoqué un passage du livre « Le Soleil ne se lève plus à l’Est« , que cet ancien diplomate et ex-directeur général de la sécurité extérieure [DGSE] a publié en septembre dernier.

« Nos politiques dans le monde souffrent d’une approche excessivement à court terme. On manque de vision et de souffle, de continuité dans l’effort. La politique de nos gouvernements est de plus en plus dictée par l’actualité, les émotions de l’opinion publique et on s’en tient à un traitement symptomatique des crises. La Libye, l’Afghanistan en sont de parfaits exemples », a ainsi cité la parlementaire. D’où sa question sur la façon de gérer « l’après », une fois l’intervention des forces françaises terminées.

Ce sujet est récurrent. Dans un rapport rendu en juin 2015, les députés Michel Chauveau et Hervé Gaymard avaient souligné le bilan « positif » des opérations extérieures [OPEX] françaises sur le plan militaire. En revanche, leur constat était beaucoup plus réservé quant aux « bénéfices » tirés par la France en terme d’image et d’influence diplomatique.

Six ans plus tôt, un autre rapport parlementaire, émanant de la commission des Finances, avait déploré les faibles bénéfices économiques de ces interventions alors que des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Turquie n’hésitaient pas à envoyer sur des théatres extérieurs des réservistes employés par des entreprises cherhant des débouchés dans des pays en voie de stabilisaition, lorgnant ainsi des marchés souvent financés par les Nations unies et l’Union européenne.

Quoi qu’il en soit, MM. Gaymard et Chauveau avaient proposé d’assortir chaque intervention d’une « stratégie de sortie pérenne », étant donné que la planification de « l’après-crise » était alors le « point faible » des opérations extérieures. « C’est pourtant un enjeu essentiel aujourd’hui, où la difficulté n’est pas tant de gagner la guerre que de gagner la paix », firent valoir les députés.

Ce constat est donc partagé par Bernard Bajolet, qui fut notamment ambassadeur en Bosnie Herzégovine et en Afghanistan, deux pays où les forces françaises payèrent un lourd tribut.

« S’agissant du manque de continuité dans l’effort, en Afghanistan par exemple la France a beaucoup mis de moyens et des soldats français ont sacrifié leur vie […] J’ai assisté moi-même à vingt cérémonies de levée de corps, pour 54 soldats », a rappelé directeur de la DGSE. Or, a-t-il poursuivi, « la France s’est effacée aujourd’hui d’Afghanistan même si nous avons un traité d’amitié et de coopération avec ce pays, qui nous engage. »

Et cela vaut aussi pour les Balkans, qui « se réveillent » et où « nous avons perdu 112 hommes depuis 1992 », a continé M. Bajolet. « J’avais inauguré un monument aux morts à Sarajevo, en plein coeur de la ville, pour montrer aux Sarajéviens qu’en dépit de ce qu’on leur racontait, la France avait aussi combattu pour leur liberté. Il y avait plus de 80 noms sur ce seul monument! Pourtant à partir de 1999, seulement quatre ans après la fin de la guerre, lorsque j’étais à l’ambassade de Bosnie, nous avions déjà un peu désarmé », a-t-il déploré. Et là encore, cette posture est dommageable car « cette région reste extrêmement sensible, en dépit de la candidature de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine à l’entrée dans l’Union européenne. »

Aussi, dénonce M. Bajolet, « on ne fait pas, sur les grandes opérations extérieures, ce que les forces armées pratiquent avec beaucoup d’efficacité, c’est-à-dire le retour d’expérience, le RETEX. » Et d’ajouter : « Ce retour d’expérience politique est très délicat et très difficile à faire car il peut susciter des oppositions, mais il me paraît nécessaire. » Et, a-t-il insisté, il « faudrait le faire pour la Libye, l’Afghanistan, les Balkans, la République Centrafricaine dont je trouve que nous nous sommes retirés un petit peu trop tôt alors que sans nous le pays serait devenu une zone grise où se seraient engouffrés les terroristes. »

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