Le Service du commissariat des armées s’attaque aux problèmes d’habillement des militaires

Depuis des années, et en particulier depuis la réforme du soutien entamée en 2008, l’habillement cristallise le mécontentement chez les militaires. Et les problèmes d’approvisionnement sont plus aigus pour ceux les aviateurs et les marins.

Ainsi, en octobre 2015, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, n’avait pas hésité à parler de « crise dans l’habillement » au sein de la Marine nationale. « C’est une question récurrente mais qui n’est pas si secondaire car ça contribue au moral » des personnels », avait-il souligné.

Plus de deux ans après, cette « crise » n’était toujours pas terminée, le magazine de la Marine nationale, « Cols Bleus », ayant évoqué, à l’époque, des problèmes de qualité pour certains effets, malgré des contrats passés avec des marques « renommées », notamment pour les chaussures de sécurité. De même qu’il fit état de « pénuries » pour les chemisettes blanches ainsi que pour les tenues de protection de base [TPB] que les marins portent à bord des navires.

La situation est sans doute encore plus catastrophique pour l’armée de l’Air si l’on se fie aux chiffres donnés par le Centre interarmées de coordination du soutien [CICoS] : moins de 20% des aviateurs de disaient « satisfaits » de l’habillement en octobre 2016. Un sentiment confirmé lors de l’audition, l’automne dernier, des associations professionnelles nationales de militaires [APNM] par les députés de la commission de la Défense.

« Sur les bases aériennes, les aviateurs veulent voir des améliorations dans le domaine de l’habillement. Trop de ruptures de stock et impossibilité de fournir un paquetage complet aux jeunes engagés sont monnaies courantes. Ce n’est pas acceptable et ça dure depuis le début de la réforme des soutiens. […] Ça pourrait être anecdotique mais ça ne l’est pas. La tenue, c’est important, y compris dans l’armée de l’Air », avait ainsi témoigné le président de l’APNM Air.

Dans une réponse écrite faire récemment à un député, Francis Lamy, le président du Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM] a dit avoir constaté « depuis plusieurs années la fragilité du processus de délivrance de l’habillement dont les conséquences touchent tant à l’exécution du service qu’au moral. »

Et M. Lamy de préciser que, au début de l’année 2018, 40% des bases de défenses rencontraient des difficultés dans ce domaine : lenteur du processus de distribution des effets, pénuries d’équipements, « y compris les effets de protection individuels », ruptures régulières de stock, dysfonctionnements de délivrance conduisant à une « hétérogénéité de tenue en opération ou à la persistance de pratiques d’achats personnels d’effets par les militaires. »

Pour le HCECM, les raisons de ces difficultés sont « complexes ». Toutefois, estime-t-il, « l’absence de système d’information unifié de gestion de l’ensemble des stocks disponibles, la transformation profonde des échelons de proximité du Service du commissariat des armées et les revirements de positions sur le sujet de l’externalisation de tout ou partie de la fonction habillement n’ont pas aidé les armées à améliorer, au cours des dix dernières années, une situation déjà exposées à de fortes contraintes de ressources ».

Invité à s’exprimer devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, le commissaire général Stéphane Piat, le directeur central du Service du commissariat des armées [SCA] a explique que ces « difficultés structurelles » dans le domaine de l’habillement résultent de « la conjonction de plusieurs facteurs : absence de système d’information logistique de bout en bout, tissu industriel fragile et peu réactif, gamme encore trop large d’articles et de références, règles de gestion complexes. »

Et de rappeler que « l’option de l’externalisation de cette fonction a été écartée en 2013 au profit d’une modernisation du dispositif en régie. » Or, cette « modernisation » ne devrait se concrétiser qu’en 2019, avec, a expliqué le directeur du SCA, l’ouverture d’un « entrepôt logistique ultramoderne à Châtres, suivie de la généralisation de la distribution par correspondance accessible par internet » à partir de juin prochain. L’armée de l’Air, au sein de laquelle l’habillement est actuellement « réalisé au comptoir » ouvrira d’ailleurs le bal.

« Ces actions seront combinées avec une rénovation en profondeur de la stratégie d’approvisionnement en lien avec nos fournisseurs et à une rationalisation des règles de gestion et de dotation en lien avec l’état-major des armées et les armées », a ensuite continué le commissaire général Piat.

Quant à l’approvisionnement, ce dernier a assuré que le SCA essaie « d’entretenir une politique d’achat favorable aux entreprises françaises », avant de relever que « dans le secteur phare de l’habillement, 100 % des fournisseurs sont européens et 80 % sont français, dont la moitié de PME. » Toutefois, a-t-il dit, si « nous sommes attentifs à entretenir le lien avec ces entreprises », leur « point de difficulté » est « leur réactivité. »

En outre, a poursuivi le directeur du SCA, la filière française de l’habillement « a été détruite par la concurrence internationale au cours des quarante dernières années » et il « n’existe quasiment plus de confectionneurs militaires sur le territoire national. » Et d’ajouter : « Nous cherchons à les aider, mais il faut savoir que la plupart confectionnent nos tenues ailleurs – en Afrique du Nord et à Madagascar notamment, mais aussi au sein de l’Union européenne. »

« Nous pouvons acheter des tissus, mais il n’existe plus réellement d’offre de production en France. Pour certains articles de confection, nous faisons travailler des entreprises françaises, mais cette possibilité devient très limitée », a encore expliqué le commissaire général Piat.

Le recours à la sous-traitance par ces entreprises peut poser un problème, comme pour les nouveaux treillis F3 de l’armée de Terre.

« La procédure de réalisation de cet effet est décomposée : les tissus sont achetés à certains fournisseurs, notamment français, et la confection des treillis est réalisée par d’autres. Pour chacune de ces deux opérations, le cahier des charges est très strict. Aucun article n’est livré sans avoir été testé. Je ne peux pas vous en dire davantage concernant le contrôle des sous-traitants des confectionneurs. Mais je puis vous affirmer que mes équipes font des recettes en entreprise sur la base de ces cahiers des charges extrêmement rigoureux », a rassuré le directeur du SCA.

S’agissant du treillis F3, 245.000 exemplaires seront livrés en 2019, sur les deux millions qu’il est prévu de commander sur la période de la Loi de programmation militaire 2019-25. « Tous les combattants engagés sur un théâtre d’opérations pourront ainsi être équipés de ce treillis très haut de gamme, dont le coût représente le double de celui de l’équipement précédent », a précisé le commissaire général Piat.

Photo : armée de Terre

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