Le général Vincent Lanata déplore le manque d’influence de l’armée de l’Air

La dernière fois qu’un aviateur a été nommé chef d’état-major des armées [CEMA] remonte à 1995. Il s’agissait alors du général Jean-Philippe Douin. Et il faut remonter à 1987 pour trouver un chef d’état-major particulier du président de la République issu de l’armée de l’Air [le général Jean Fleury, en l’occurrence].

Et, actuellement, aucun poste d’influence n’est tenu par des aviateurs étant donné qu’ils sont tous occupés par des officiers issus de l’armée de Terre et de la Marine nationale [qui a connu des périodes de disette dans ce domaine].

« Le poste de chef d’état-major des armées a été confié à un officier de l’armée de Terre [général Lecointre, ndlr], celui de chef de l’état-major du Président de la République à un officier de marine [amiral Rogel, ndlr}. Le chef du cabinet militaire du Premier Ministre est un officier de l’armée de Terre et enfin le chef du cabinet militaire de la ministre des armées est encore un officier de marine », détaille le général Vincent Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA] entre 1991 et 1994, dans une tribune publiée par l’hebdomadaire L’Express. Et la liste n’est pas finie : « Le poste de major général des armées a été également confié à un officier de marine. C’est encore un officier de l’armée de terre qui occupe le poste d’adjoint à la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale [SGDSN]. »

« Mais où est donc passée l’armée de l’Air? » demande donc l’ex-CEMAA, alors qu’il est difficilement concevable, de nos jours, de mener des opérations sans le concours, parfois déterminant, de cette dernière.

Certes, admet le général Vincent Lanata, le poste de commandant suprême allié Transformation [SACT] revient systèmatiquement à un ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air. Et il peut d’autant mieux en parler que son fils, le général André Lanata, en est actuellement le titulaire. Seulement, ajoute-t-il, « ce n’est pas à l’Otan que se décide l’avenir de la défense de la France » et « c’est à Paris que toutes les grandes options nationales ainsi que les grandes décisions en matière d’équipement des forces sont présentées au pouvoir politique à travers un réseau de responsables militaires placés auprès d’eux. »

Pour l’ex-CEMAA, une telle situation est susceptible de porter préjudice à l’armée de l’Air, à l’heure où « se posent des questions capitales comme la politique militaire spatiale, la défense contre les nouveaux systèmes de missiles russes, le développement du système de combat aérien du futur [SCAF] ou […] le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion. »

Et toujours selon le général Vincent Lanata, qui feint d’oublier les officiers issus de l’aéronautique navale, les « terriens » et les « marins » ne seraient pas forcément les mieux placés pour appréhender des enjeux tels que la mise en service du F-35 américain ou de l’avenir du combat aérien. « Peut-on penser que ce sont les responsables des autres armées qui ont seuls l’entière compétence et qui doivent présenter les dossiers qui touchent à la troisième dimension? » demande-t-il. « J’ai une trop grande expérience pour affirmer le contraire », assène l’ancien CEMAA.

D’où, conclut-il, en se défendant de tout « corporatisme », « l’impérieux besoin de conserver un bon équilibre entre les armées dans la répartition des postes d’influence. »

Mais sans doute faudrait-il pousser la réflexion plus loin. Pour prétendre aux plus hautes responsabilités au sein de l’armée de l’Air, le mieux est d’être diplomé de l’École de l’Air après un recrutement « direct » et d’avoir été breveté pilote de chasse. Tous les anciens CEMAA ont suivi un tel cursus. Ce modèle prévaut aussi aux États-Unis… Or, une étude publié récemment par la Rand Coporation l’a remis en cause, expliquant que cette prédominance n’était plus forcément pertinente à l’heure où de nouveaux modes d’action s’imposent [drones, cyberguerre, espace, etc]. « L’US Air Force a besoin de grands leaders, quelle que soit leur spécialité », estime l’un de ses hauts responsables, cité dans ce rapport.

Photo : Le général Vincent Lanata [à gauche] et le général André Lanata (c) armée de l’Air

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