L’Allemagne prolonge son embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite

La décision de Berlin de ne plus vendre de matériels militaires à l’Arabie Saoudite et de suspendre les accords déjà signés avec Riyad après l’affaire Khashoggi [du nom d’un journaliste saoudien assassiné à Istanbul en octobre dernier] a plongé plusieurs industriels européens dans l’embarras.

Ainsi, le Royaume-Uni n’est actuellement pas en mesure d’honorer une commande saoudienne portant sur la livraison de 48 avions de combat Eurofighter Typhoon, étant donné qu’un tiers des composants sont fabriqués en Allemagne. Même chose pour les missiles Meteor. D’où la réaction courroucée de Jeremy Hunt, le ministre britannique des Affaires étrangères, lequel a critiqué le « manque de loyauté » de l’Allemagne.

En France, l’attitude allemande pose aussi problème. Au point que l’on s’inquiète des conséquences que pourrait avoir l’intransigeance de Berlin en matière de vente d’armes sur les programme d’armement menés conjointement avec l’Allemagne, comme le Système de combat aérien futur [SCAF] et le char de combat de nouvelle génération [MGCS].

« Il est évident que si nous voulons vraiment lancer un programme d’avion de chasse franco-allemand, les règles d’exportation doivent être définies le plus rapidement possible », a d’ailleurs récemment affirmé Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation.

Le souci est que la coalition au pouvoir à Berlin peine à s’entendre sur cette question. Les conservateurs de la CDU seraient en effet beaucoup plus souples que leurs homologues sociaux-démocrates du SPD. Seulement, un compromis paraît hors d’atteinte pour le moment.

En effet, malgré les critiques britanniques et françaises, Berlin garde le cap. « Notre gouvernement a décidé de prolonger l’interdiction d’exporter [vers l’Arabie Saoudite] jusqu’à la fin du mois de mars. Nous l’avons fait en gardant un oeil sur l’évolution de la situation au Yémen », a en effet déclaré Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, ce 6 mars. « Non seulement aucun permis ne sera délivré avant la fin du mois, mais les produits pour lesquels des permis ont déjà été accordés ne seront pas livrés non plus », a-t-il ajouté.

Reste que, en maintenant cette position, Berlin s’expose à voir certains industriels européens chercher des composants ailleurs qu’en Allemagne.

Le groupe Arquus a déjà franchi le pas, en s’adressant à l’américain Caterpillar afin de se procurer des moteurs destinés à ses véhicules devant être exportés au Moyen-Orient. Le constructeur Airbus a l’intention d’adopter une démarche identique en se passant des composants allemands entrant dans la fabrication de ses avions C-295. Et il serait question d’en faire de même pour l’A330 MRTT [15% de ses composants sont produits outre-Rhin, ndlr].

« La crédibilité et l’autonomie de l’Allemagne sont en jeu », a estimé Thomas Kleine-Brockhoff, le directeur German Marshall Fund [GMF], cité par l’agence Reuters. « La politique d’exportation actuelle pourrait avoir pour conséquence à long terme la disparition de l’industrie de la défense en Allemagne », s’est-il inquiété.

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