Avec une hausse annoncée de 7,5%, la progression du budget militaire chinois continue de… ralentir

Jusqu’en 2015, les dépenses militaires chinoises ont connu une progression impressionnante, avec des hausses annuelles supérieures ou égales à 10%. Ce qui a permis à l’Armée populaire de libération [APL] de disposer du second budget le plus important au monde, derrière celui du Pentagone.

Cela étant, et pour la quatrième année consécutive, l’augmentation du budget militaire chinois sera moindre que par le passé, notamment en raison du ralentissement de la croissance économique du pays. Cette dernière a atteint 6,5% en 2018, soit son plus bas niveau depuis 28 ans.

En effet, le 5 mars, lors de la session annuelle du Parlement, le Premier ministre chinois, Li Keqiang, a annoncé une augmentation de « seulement » 7,5% du budget de l’APL [contre 8,1% l’an passé], ce qui portera son montant officiel à 1.190 milliards de yuans [177,6 milliards de dollars ou 156 milliards d’euros].

Le ralentissement de l’économie chinoise, provoqué par une baisse de la demande mondiale sur fond de guerre commerciale avec les État-Unis a contraint Pékin à certains arbitrages. Ainsi, si la progression des dépenses militaires est moindre par rapport aux années passées, c’est pour financer des mesures de relance, dont unne baisse de 260 milliards d’euros des impôts et des charges sociales des entreprises, une hausse de 30% des prêts accordés par les banques publiques aux PME et une baisse de la TVA de 3% pour les produits industriels.

Ce qui se traduira par un déficit budgétaire, porté à 2,8% du PIB [+0,2%], afin de « répondre au besoin de ménager une marge de manoeuvre politique suffisante pour maîtriser les risques susceptibles de surgir dans les temps à venir », a souligné M. Li. Car, a expliqué ce dernier, la « conjoncture tant nationale qu’internationale a fait basculer notre développement dans un environnement d’une grande dureté et complexité, marqué par une aggravation des risques et des défis. » Aussi, a-t-il ajouté, « nous devons nous armer pour livrer une bataille des plus âpres. »

Quoi qu’il en soit, la hausse du budget militaire chinois reste conséquente. Et même son montant est très largement inférieur à celui du Pentagone, il permet de faire baucoup de choses étant donné que les coûts de production des armements et les soldes militaires de l’APL sont nettement moins élevés qu’aux États-Unis.

Ainsi, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, en octobre 2017, l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine [CEMM] avait souligné la « phase d’expansion impressionnante » des forces navales chinoises.

« En quatre ans, ils [les Chinois] ont lancé l’équivalent en volume de la marine française. D’ailleurs, en juillet dernier, il y avait davantage de navires de combat chinois que de navires français en Méditerranée », avait avancé le CEMM. Toutefois, avait-il ajouté, « ils n’ont pas encore atteint le même niveau de performance technologique que les Américains ou les Français. » Et tout est dans le « encore ». Car Pékin s’y emploie, en cherchant, notamment, des points de rupture technologiques.

Ainsi, tout porte à croire que la marine chinoise a entamé les essais d’un canon électromagnétique, qui permet d’envoyer un projectile sur une cible située à une distance d’environ 200 km à la vitesse de Mach 5. Qui plus est, début janvier, l’équivalent chinois de la « mère de toutes les bombes » [MOAB] américaine a été testée. Il s’agit de la munition conventionelle la plus puissante figurant désormais dans son arsenal.

La Chine a également testé un planeur hypersonique, le Wu-14. À cela, il faut ajouter le développement de chars autonomes et d’ avions « furtifs », comme les  J-20 et FC-31 Gyrfalcon, lesquels devraient être bientôt rejoint par un bombardier de nouvelle génération [Hong-20] ainsi que, à en croire le renseignement américain, par un nouveau chasseur-bombardier.

La Chine aurait lancé la construction d’une troisième porte-avions, lequel serait doté de catapultes électromagnétiques… comme ceux de la classe Gerald Ford aux États-Unis. Enfin, elle développe également des capacités militaires visant l’espace [une arme antisatellite a été testée en 2007] tout en étant très active dans le cyberespace.

Par ailleurs, le budget de l’APL lui aussi permis de mettre le grappin sur les archipels Spratleys et Parcels, où elle déploie des capacités d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD] en mer de Chine méridionale, zone stratégique à plus d’un titre. Cette militarisation place les pays riverains ayant des revendications territoriales dans cette région devant le fait accompli.

« Les dépenses limitées de la Chine en matière de défense visent uniquement à préserver la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays. Elles ne constitueront pas une menace pour les autres pays », a fait valoir Zhang Yesui, le porte-parole du Parlement chinois. Sauf pour Taïwan… que Pékin considère comme une « province rebelle ».

Mais ce qu’oublie de dire M. Zhang est que, dans le cadre des « nouvelles routes de la soie » [et hormis ses contributions aux missions de l’ONU], l’APL se déploie désormais loin de ses frontières, comme à Djibouti, où elle a inauguré, en 2017, une importante base navale.

« Les dépenses militaires chinoises sont coordonnées avec la croissance annuelle du PIB, plus le taux d’inflation », explique James Char, expert militaire à l’Université de technologie de Nanyang [Singapour]. « La Chine a d’autres priorités nationales. Si son économie nationale était surmilitarisée, cela pourrait priver le gouvernement de ressources dont il a grand besoin. On se rappelle de ce qui est arrivé à l’ex-URSS », a-t-il ajouté, dans un entretien donné à l’AFP.

Reste qu’une autre priorité du budget de l’APL vise à améliorer la préparation opérationnelle de ses troupes, moins nombreuses que par le passé mais plus « professionnelles », conformément à l’un des trois objectifs fixés dans le cadre d’une réforme lancée par le président Xi Jiping, peu après son accession au pouvoir. Les deux autres étant la loyauté totale des forces chinoises [via un contrôle politique serré] et la réduction de l’écart capacitaire avec les États-Unis.

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