Le ministère des Armées finance des recherches pour mettre au point un camouflage « infrarouge »

Actuellement, le camouflage d’un blindé dépend du milieu dans lequel il sera engagé [blanc pour la montagne et le Grand Nord, sable pour le désert, vert et marron pour les zones tempérées, etc…]. Et pour améliorer encore sa discrétion, on peut toujours le recouvrir d’un filet ou le dissimuler sous des branches d’arbres. Sauf que, avec l’amélioration des capacités d’observation, cela ne suffit désormais plus.

Ainsi, par exemple, la présence d’un blindé peut être trahie par la chaleur que dégage son moteur. Et il est donc difficile d’échapper aux caméras infrarouge [ou thermique]. D’où l’intérêt du projet de recherche MAGIC [pour caMouflAGe multI-éChelle] pour lequel Mines Saint-Etienne apporte son expertise.

Bénéficiant d’un financement de la Direction générale de l’armement [DGA] et de l’Agence nationale de la recherche [ANR], MAGIC vise en effet à mettre au point un camouflage face aux caméras infrarouges, sous la direction de Jenny Faucheu, du Centre Sciences des Matériaux et des Structures [SMS].

Le fonctionnement des caméras infrarouge repose sur la thermographie, qui permet d’obtenir des images thermiques d’un objet à partir de ses émissions d’infrarouges.

« Le principe des caméras qui produisent ce type d’image repose sur la captation des longueurs d’onde en infrarouge lointain : ce sont les longueurs d’onde de la lumière qui sont au-dessus de celles de la lumière visible, et qui correspondent au rayonnement électromagnétique d’un corps dont la température est de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de degrés. L’image affichée retranscrit les quantités de ces longueurs d’onde », explique Jenny Faucheu.

Par ailleurs, il existe également des caméras qui reproduisent des images nocturnes en niveaux de gris. Elles « amplifient les longueurs d’onde de l’infrarouge proches du visible et les affichent en blanc sur l’image. Ce qui n’émet pas du tout est affiché en noir. Et si jamais il n’y a pas assez d’énergie à amplifier sur l’image, la caméra elle-même émet un faisceau et observe ce qui revient vers elle, un peu comme un sonar », ajouté Mme Faucheu.

Pour rendre un véhicule « invisible » face aux caméras thermiques, le projet MAGIC va s’appuyer sur les propriétés thermochromes d’un matériau à base de dioxyde de vanadium, dont la « capacité à émettre des infrarouges va changer en fonction de la température. »

« Plus précisément, nous utilisons un polymorphe de cet oxyde de vanadium — une forme cristalline particulière. Lorsqu’il est chauffé au-delà de 70°C, sa forme cristalline change, et le matériau passe de 80 % de rayonnement d’énergie à 40 %, ce qui le fait apparaître plus froid qu’il ne l’est sur une caméra thermique. 40 % de rayonnement d’un objet à 75 °C correspondra toujours à moins de rayonnement que 80 % d’un objet à 65 °C », décrit Jenny Faucheu.

S’agissant du second type de caméras, celles qui captent des images en niveaux de gris, l’axe de recherche porte sur la « micro-nanotexturation par laser du matériau en oxyde de vanadium » afin de disperser les rayons infrarouges émis par une caméra dans toutes les directions.

« Comme le faisceau n’est pas réfléchi en direction de la caméra, c’est comme s’il avait traversé complètement l’objet. Pour la caméra, si rien ne revient, c’est qu’il n’y a rien devant elle. Sur l’image, l’objet qui devrait être affiché en blanc sans camouflage sera affiché en noir », souligne la chercheuse.

Ces recherches concernent la signature infrarouge des véhicules. Mais une application pour les fantassins n’est pas exclue. « En ajoutant quelques atomes de tungstène au matériau en oxyde de vanadium, la température de changement de forme cristalline peut passer de 70 °C à 35 °C environ. C’est très pratique pour des possibles applications à l’humain. Là où une personne habillée normalement apparaîtrait à 37 °C sur une caméra, une tenue réalisée avec ce matériau spécial pourrait la rendre indétectable en la faisant apparaître bien plus froid », fait valoir Jenny Faucheu.

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