En 2018, 164 millions d’euros économisés par les Armées sur des contrats d’armement ont servi à payer les surcoûts OPEX

L’automne dernier, et afin de financer le surcoût des opérations extérieures [OPEX] et des missions intérieures [MISSINT] au-delà des 750 millions d’euros initialement prévus, le ministère de l’Action et des Comptes publics annonçait une annulation de 404,2 millions d’euros de crédits, supportée, pour l’essentiel, par le programme 146 « Équipements des forces ». Et, dans le même temps, il créditait d’un montant équivalent le programme 178 « Préparation et Emploi des forces ».

Cette décision fut l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative [PLFR] et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, dut s’employer à convaincre certains députés, y compris sur les bancs de la majorité, du bien fondé de cette approche. Et plusieurs amendements visant à rétablir les crédits annulés furent déposés, au nom du respect de l’article 4 de la Loi de programmation militaire 2014-19, qui prévoit la prise en charge financière des surcoûts OPEX et MISSINT par un financement interministériel. Âprement discutés, aucun ne fut adopté.

Au Sénat, la commission des Affaires étrangères et des Forces armées dénonça un « coup de rabot » portant « en particulier sur les investissements, avec plus de 3 % des crédits d’équipements rayés d’un trait de plume, retardant l’indispensable modernisation des armées. » Et son président, Christian Cambon, lança une charge virulente contre « les vieilles habitudes de la technostructure de Bercy, qui contredisent le vote du Parlement » tout en dénonçant des « pratiques intolérables ».

Lors d’une récente audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, la ministre des Armées, Florence Parly, est revenue sur cet épisode. Ainsi, a-t-elle rappelé, le montant des surcoûts OPEX et MISSINT s’est élevé « à 1,37 milliard d’euros, dont 1,22 milliard au titre des opérations extérieures et 156 millions d’euros pour les missions intérieures », soit 11% de moins par rapport à 2017, notamment en raison d’une réduction des coûts liés à l’opération Chammal, au Levant.

Au passage, la ministre a précisé que les opérations menées contre Daesh [État islamique ou EI] en Syrie et en Irak ainsi que les groupes jihadistes du Sahel représentent « 86 % des coûts OPEX. » En outre, ceux des MISSINT a également baissé de 59 millions d’euros, grâce à « la rénovation du dispositif Sentinelle, à l’automne 2017 », a-t-elle ajouté.

Pour couvrir ces dépenses, 650 millions d’euros avaient été prévus par la loi de finances initiale 2018, de même que 100 millions d’euros aut titre de la masse salariale des MISSINT et 40 millions d’euros de contributions internationales.

« Ce sont donc 790 millions d’euros qui avaient été pré-identifiés pour assurer le financement des surcoûts. Ce n’est pas rien : avant même les travaux de fin de gestion, nous disposions de près de 60 % de la facture – nous savions comment payer 60 % des OPEX et des MISSINT. En 2017, nous n’avions pré-identifié que 30 %, puisque la provision était de 450 millions d’euros : il avait fallu, en gestion, trouver un milliard d’euros », a fait valoir Mme Parly.

Pour trouver l’argent nécessaire au financement des OPEX et des MISSINT, le ministère des Armées a trouvé des marges de manoeuvre sur sa masse salariale. « Je le dis tout de suite : ce n’est pas une bonne nouvelle » car « cela montre que […] la fidélisation et l’attractivité des carrières des personnels militaires, dont les compétences sont très recherchées par les entreprises et le secteur privé, n’est pas théorique », a commenté la ministre. En clair, le recrutement n’a pas été à la hauteur de ce qui était espéré… « Mais on ne peut pas non plus se dissimuler le fait que cette sous-consommation a facilité les conditions du bouclage pour 2018. J’espère ne pas avoir à me présenter devant vous l’année prochaine avec une sous-consommation équivalente », a-t-elle ensuite ajouté.

Ensuite, une partie des 404,2 millions manquants a été financée par « environ la moitié de la réserve de précaution que nous avions constituée en début de gestion, précisément pour faire face aux aléas […] en mobilisant des lignes budgétaires considérées comme les plus indolores « , a enchainé Mme Parly, avant de préciser que le « reste de cette reserve, soit 272 millions, a bénéficié d’un dégel en novembre. »

S’agissant de ces « lignes budgétaires » considérées comme « indolores », la participation du ministère des Armées à la trésorerie de l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement [OCCAr], laquelle est excendentaire, en fait partie.

« Il n’y a pas de raison que le budget de l’État verse par anticipation des sommes qui ne lui sont pas utiles », a justifié la ministre, qui a dit étudier « les modalités pour reprogrammer ces dépenses, en prévision du jour où l’OCCAr aura besoin de cette contribution. »

Enfin, 164 millions ont pu être trouvés grâce à des « moindres dépenses en gestion », lesquelles résultent, a souligné « avec fierté » Mme Parly, de « gains sur des négociations qui ont été menées sur le missile à moyenne portée [MMP], sur des drones tactiques [Patroller] et sur les véhicules blindés de combat d’infanterie [VBCI]. » À noter que cette somme ainsi économisées représente environ la moitié des 319 millions de crédits annulés sur le programme 146 « Équipement des forces »

Cela étant, Mme Parly a décoché quelques flèches en évoquant des « remarques malveillantes » et des « contre-vérités » formulées lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative. « Il ne s’agissait pas de 800 millions d’euros, comme j’ai pu parfois l’entendre, mais bien de 404 millions, qui ont été redéployés », a-t-elle dit.

« La mission ‘Défense’ en 2018 n’a pas subi d’annulation dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, qui prévoyait 600 millions d’euros d’annulations sur le budget de l’État. La mission ‘Défense’ n’a pas non plus contribué aux dépenses exceptionnelles des autres ministères », a souligné la ministre qui, sous réserve des résultats du bilan de la gestion 2018, a indiqué que les Armées ont bénéficié d’un budget de 34,65 milliards d’euros l’an passé [contre 34,2 milliards annoncés].

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