L’US Air Force abandonne l’idée d’un avion ravitailleur furtif
Considérant que les stratégies de déni et d’interdiction d’accès allaient se développer de plus en plus au cours des prochaines années, l’aéronavale américaine a changé ses plans en matière de drones aériens embarqués.
Alors que l’on pensait que le démonstrateur X-47B, développé par Northrop Grumman, allait donner lieu à un appareil de combat furtif susceptible d’être utilisé pour détruire les défenses adverses sans exposer les avions de combat « classiques », la marine américaine a décidé de se doter d’un drone ravitailleur furtif. D’où le programme « MQ-25 Stingray » [ou Carrier Based Aerial Refueling System – CBARS] qui, confié à Boeing, a remplacé celui appelé UCLASS [Unmanned Carrier-Launched Airborne Surveillance and Strike].
Plusieurs raisons ont conduit à ce changement. Disposer de drones ravitailleurs embarqués donnerait une allonge supplémentaire à deux fois plus de F-35C et de F/A-18 Super Hornet, ce qui permettrait donc de frapper plus fort et de plus loin, c’est à dire depuis une zone où le groupe aéronaval n’aurait pas à s’exposer aux moyens défensifs adverses.
Et la furtivité du MQ-25 Stingray afin d’assurer sa « survie » dans un environnement constesté, sa signature radar réduite devant lui permettre d’éviter d’être pris pour cible par la défense aérienne ennemie. Par exemple, il est avancé que l’avion furtif chinois J-20 aurait notamment pour mission de s’attaquer aux appareils de ravitaillement en vol et de déterction aéroportée [AWACS].
En outre, détecter un avion ravitailleur signifie aussi pour l’adversaire que des chasseurs-bombardiers ne sont pas loin, ce qui réduirait les avantages de la furtivité des F-35.
En 2016, et considérant que les 179 futurs avions ravitailleurs KC-46A « Pegasus » seraient insuffisants pour répondre aux besoins de l’US Air Force, le général Carlton Everhart, alors chef de l’Air Mobility Command, avait esquissé les grandes lignes d’un nouveau programme, appelé KC-Z.
L’idée était alors de développer un avion ravitailleur furtif [ou ayant une signature radar plus faible que celle d’un avion commercial] destiné à évoluer aux côtés des KC-46A Pegasus, dont les premiers exemplaires viennent d’ailleurs d’être livés à l’US Air Force par Boeing.
Mais, a priori, ce projet restera dans les cartons. C’est en effet ce qu’a indiqué le général David Goldfein, le chef d’état-major de l’US Air Force, dans les colonnes d’Aviation Week.
« L’époque de l’achat de plates-formes particulières, que nous avons ensuite qualifiées de ‘game changers’, est derrière nous », a affirmé le général Goldfein, avant d’estimer que l’avenir du combat aérien est à une combinaison d’appareils et de capteurs interconnectés.
A priori, la mise au placard du programme KC-Z pourrait s’expliquer par le manque de marge de manoeuvre budgétaire pour l’US Air Force, qui doit financer le programme de bombardier stratégique furtif B-21 « Raider » [confié à Northrop-Grumman], les livraisons des F-35A et des KC-46A commandés, l’achat d’avions d’entraînement TX, le développement d’un nouveau missile intercontinental sol-sol, voire la mise au point d’un chasseur de 6e génération [dont les coûts seraient trois fois plus importants que ceux du F-35, d’après une étude du Congressional Budget Office, ndlr].
Or, actuellement, il n’existe pas de cellule furtive de grande taille pouvant être transformée en avion ravitailleur, hormis celle du bombardier B-2 « Spirit », et, à l’avenir, celle du B-21 Raider. Et en développer une nouvelle nécessiterait un investissement important au regard des priorités du moment.
Mais cela n’empêche pas pour autant le général Goldfein à réfléchir à ce que pourrait être l’avenir du ravitaillement en vol. Et sa réflexion est surprenante. « En fait, je ne sais pas sur la prochaine génération de ravitailleurs fonctionnera dans les airs ou depuis une orbite terrestre basse », a-t-il dit. « J’ignore si ce sera habité ou non. Mais je m’en fiche, tant que apporte les capacités dont nous avons besoin pour gagner », a-t-il ajouté.
Avant tout, il reste à voir si cela est possible. Car si l’on comprend bien, il faudrait qu’un engin ravitailleur puisse faire le yo-yo entre son orbite et l’atmosphère afin de livrer du carburant à des avions de guerre…
« Cela peut sembler un peu étrange que le chef de l’Air Mobility Command discute avec l’Air Force Space Command au sujet du développement du prochain ravitailleur, mais cela me semble tout à fait logique », a continué le général Goldfein [qui, au passage, évité de parler de la « Space Force », voulue par M. Trump, ndlr].
Quoi qu’il en soit, le comité des forces armées du Sénat américain a fait part de ses préoccupations « face à la menace croissante » à laquelle sont exposés les « avions de grande valeur dans des environnements constestés ».
« Etant donné les environnements opérationnels de plus en plus difficiles que présentent nos adversaires potentiels, il est prudent d’explorer les options pour des avions ravitailleurs non habités […] qui pourraient opérer de manière autonome dans le cadre d’une flotte logistique vaste pouvant soutenir l’attrition dans des conflits », avait-il fait valoir dans un avis publié en juin 2018. D’où sa recommandation d’allouer un budget de 38,4 millions de dollars pour étudier d’éventuelles solutions.