M. Le Drian dénonce la présence de mercenaires russes en Centrafrique
En juillet 2018, trois journalistes travaillant pour le Centre de gestion des investigations, financé par l’ex-oligarque et opposant en exil Mikhaïl Khodorkovski, furent assassinés alors qu’ils enquêtaient que les activités de la société militaire privée [SMP] russe Wagner à Sibut, en Centrafrique.
Officiellement, ils auraient été victimes de « coupeurs de route ». Du moins, c’est ce qu’a toujours affirmé Moscou et ce qu’a récemment répété le Comité d’enquête russe, en réponse au média « Dossier », financé également par M. Khodorkovski. Selon cette publication, si ces trois reporters expérimentés ont été assassinés, c’est parce qu’ils s’intéressaient d’un peu trop près à la SMP Wagner…
Ces mercenaires sont arrivés en Centrafrique à la faveur de livraisons d’armes aux forces armées locales, pour lesquelles la Russie avait obtenu une dérogation à l’embargo imposé par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Qualifiés « d’instructeurs militaires civils » par Moscou, ces « mercenaires » ne se contenteraient pas seulement de former les militaires centrafricains. En effet, d’après un rapport de l’ONU, ils assureraient des missions de sécurisation, allant même jusqu’à appuyer les forces centrafricaines si nécessaire. En outre, ils opérent dans des secteurs où ont été attribuées des concessions minières à la société russe Lobaye Invest, une filiale de M Invest, un groupe fondé par Evguéni Prigojine.
Or, il se trouve que ce dernier est aussi le financier et l’actionnaire de la SMP Wagner, fondée par Dmitri Outkine, un ancien du GRU, le renseignement militaire russe. En outre, il est un proche de Vladimir Poutine, le chef du Kremlin. Ce même Evguéni Prigojine serait également à l’origine de l’Internet Research Agency [IRA], la fameuse « usine à trolls » basée à Saint-Pétersbourg et citée dans l’enquête sur les ingérences russes dans l’élection présidentielle américaine.
Cela étant, les sociétés militaires privées sont interdites en Russie. Enfin presque… Car elles permettent à Moscou d’intervenir militairement dans certaines zones de conflit sans avoir à se mouiller, comme en Ukraine, en Syrie et donc en Centrafrique. « En ce qui concerne leur présence quelque part à l’étranger, je répète que s’ils n’enfreignent pas la loi russe, alors ils ont le droit de travailler et de défendre leurs intérêts commerciaux aux quatre coins du monde », a fait valoir, en décembre, M. Poutine, alors que des ex-mercenaires venaient de déposer une plainte devant le Tribunal pénal international de La Haye pour « crimes de guerre » et « non-reconnaissance de leurs droits. »
Quoi qu’il en soit, lors d’une audition au Sénat, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a élevé le ton face à la présence de la SMP Wagner en Centrafrique.
« Il y a une présence active de la Russie, récente, significative, antifrançaise dans les propos, dans les réseaux [sociaux] », a ainsi relevé M. Le Drian. « Ce n’est pas vraiment l’armée (mais) des supplétifs qui agissent sous l’autorité d’un Monsieur qui s’appelle M. Prigojine », a-t-il ensuite souligné, en évoquant les employés de la « force Wagner ». Et de prévenir : « S’il m’entend là, au-delà de cette salle, qu’il sache qu’on le connaît bien! »
Ce n’est pas la première fois que M. Le Drian dénonce les actions de la Russie en Centrafrique.
« La Centrafrique n’est pas un terrain de jeu. Ce n’est pas un terrain de compétition. Le seul sujet qui doit préoccuper ceux qui veulent s’occuper de Centrafrique, c’est […] la sécurité de ce pays et son développement, et non pas utiliser potentiellement les difficultés de ce peuple et de ce pays pour s’implanter dans un continent où il y aurait des ambitions voilées », avait-il affirmé, en novembre 2018, à l’occasion d’un déplacement à Bangui.
Par ailleurs, la Centrafrique n’est pas le seul pays africain où les SMP russes sont actives. Récemment, le quotidien britannique « The Times » a assuré que des « mercenaires russes » étaient impliqué dans la répression [sanglante] des manifestations contre le gouvernement soudanais.
Le 23 janvier, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a confirmé la présence de « sociétés russes de sécurité privée » mais démenti leur participation à la répression des manifestants.
« Selon nos informations, des représentants de sociétés russes de sécurité privées qui n’ont rien à voir avec les organes de l’Etat opèrent au Soudan », a ainsi déclaré Mme Zakharova. « Leur tâche se limite à la formation du personnel des forces armées et des forces de l’ordre de la République du Soudan », a-t-elle précisé.