Pour M. Macron, le traité d’Aix-la-Chapelle est une « étape importante » vers une « autonomie stratégique européenne »

On peut faire dire beaucoup de choses à un traité. Y compris ce qu’il ne dit pas. S’agissant de celui d’Aix-la-Chapelle, signé ce 22 janvier par la France et l’Allemagne, certains ne se sont pas gênés, assurant, par exemple, que M. Macron allait « livrer l’Alsace et la Lorraine à une puissance étrangère. » Succès garanti sur les réseaux sociaux et moyen quasiment infaillible pour l’auteur de cette rumeur d’avoir son quart d’heure de célébrité promis par Andy Warhol.

Cela étant, ceux qui défendent ce traité peuvent aussi tenir des propos susceptibles de prêter à confusion. Tel est le cas d’Angela Merkel, la chancelière allemande.

Ainsi, selon elle, le traité d’Aix-la-Chapelle, qui prévoit un rapprochement franco-allemand dans le domaine de la défense, serait une « contribution à la création d’une armée européenne », alors que cette expression ne figure pas dans le texte.

Or, dans l’esprit de beaucoup, une armée européenne signifie la disparition des armées nationales, ce qui dépouilleraient les États d’un élément essentiel à la souveraineté. Or, tel n’est pas la volonté des dirigeants français et allemands, comme l’a ensuite rappelé le président Macron.

L’article 3 du traité précise que la France et l’Allemagne vont « appronfondir leur coopération en matière de politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et intérieure » et « développer tout en s’efforçant de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe. » Enfin, ils se consulteront « afin de définir des positions communes sur toute décision importante touchant leurs intérêts communs et d’agir conjointement dans tous les cas où ce sera possible. »

Ensuite, comme annoncé, l’article 4 contient une clause de défense mutuelle. « Les deux États, convaincus du caractère indissociable de leurs intérêts de sécurité, font converger de plus en plus leurs objectifs et politiques de sécurité et de défense, renforçant par là-même les systèmes de sécurité collective dont ils font partie. Ils se prêtent aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d’agression armée contre leurs territoires », dit-il.

Sur ce point, sachant que la France est dotée de l’arme nucléaire, qu’est-il suggéré par « tous les moyens dont ils disposent »? « Il existe de facto un parapluie nucléaire [pour l’Allemangne], même s’il n’y a pas de disposition spéciale à cet égard », avait observé Ulrike Franke, une analyste au Conseil européen des relations étrangères, l’an passé, à l’occasion d’un débat à ce sujet, outre-Rhin.

En outre, la France et l’Allemagne, poursuit cet article, « agissent conjointement dans tous les cas où ce sera possible, conformément à leurs règles nationales respectives, en vue de maintenir la paix et la sécurité. » Ce qui veut dire que les règles d’engagement en vigueur dans les deux pays ne changeront pas : le Bundestag aura toujours le dernier mot en Allemagne et le président français pourra toujours décider une intervention militaire, conformément aux prérogatives que lui donne l’article 15 de la Constitution.

L’article 4 évoque également l’engagement commun à « développer l’efficacité, la cohérence et la crédibilité de l’Europe dans le domaine militaire ». Pour cela, ils s’engageront « à renforcer la capacité d’action de l’Europe et à investir conjointement pour combler ses lacunes capacitaires, renforçant ainsi l’Union européenne et l’Alliance nord-atlantique. »

Enfin, et alors que les armées françaises et allemandes ont déjà des unités communes [la prochaine sera un escadron de transport commun installé à Evreux, ndlr], cet article précise l’engagement des deux États « à renforcer encore la coopération entre leurs forces armées en vue d’instaurer une culture commune et d’opérer des déploiements conjoint », ce qui passera par « l’élaboration de programmes de défense communs et leur élargissement », et donc par une « coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle. » S’agissant de la politique relative aux exportations d’armemement, il est question d’une « approche commune […] ce qui concerne les projets conjoints. »

Pour mettre en musique cette coopération militaire renforcée, un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité sera mis en place. Il « se réunira au plus haut niveau à intervalles réguliers », indique le texte, qui, par ailleurs, ne stipule à aucun moment que la France partagera son siège au Conseil de sécurité des Nations unies avec l’Allemagne. Tout simplement parce que cela n’est pas possible et que, a souligné l’Élysée, les intérêts de la France ne le permettent pas.

Alors, qu’a voulu dire Mme Merkel en utilisant l’expression « armée européenne », que M. Macron a également employée, ce qui avait contrarié Donald Trump, son homologue américain? Lors du débat citoyen organisé après la signature du traité, le président français s’est livré à une explication de texte.

En effet, pour M. Macron, le traité d’Aix-la-Chapelle est une « étape importante » vers une « autonomie stratégique et opérationnelle » européenne, dans la mesure où il renforce, au niveau bilatéral, des mesures prises dans un cadre plus large, comme la Coopération structurée permanente [CSP ou PESCO], le Fonds européen de Défense et l’Initiative européenne d’intervention [IEI], laquelle vise à faire en sorte que les pays signataires puissent partager une même culture stratégique. Et le tout en permettant à chacun de garder ses spécificités.

Il n’y aura « pas une seule armée qui en remplace deux, parce que nous avons des spécificités et des différences. Mais on rapproche beaucoup nos capacités opérationnelles et on renforce du coup notre autonomie. Et on veut porter cela au niveau européen », a expliqué le président français.

« Avoir une autonomie stratégique, pour nous, c’est d’avoir la capacité […] de pouvoir intervenir pour défendre nos intérêts ou ceux de nos alliés là où nous l’avons décidé », a aussi dit M. Macron.

« Une vraie autonomie militaire, eh bien c’est pouvoir agir avec les Américains chaque fois qu’on le décide. Mais on veut pouvoir agir même quand on n’est pas d’accord avec eux sur un sujet. Et donc, on ne veut pas dépendre d’eux, ce qui suppose d’avoir une industrie de défense pour éviter que, le jour où l’on décide d’intervenir, les Américains nous disent : ‘non, avec cet équipement qui est le mien, vous n’avez pas le droit d’y aller' », a ensuite affirmé M. Macron pour illustrer son propos.

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