Selon Mme Parly, la coalition anti-jihadiste pourra toujours mener des opérations en Syrie depuis l’Irak

Invitée de l’émission « Questions politiques » [France Inter, Le Monde, France Télévisions], le 20 janvier, la ministre des Armées, Florence Parly, a évoqué les opérations actuellement en cours contre l’État islamique [EI ou Daesh] en Syrie.

Lors de ses voeux aux Armées, quelques jours plus tôt, le président Macron avait assuré que la France resterait encore militairement engagée au Levant « au cours de l’année qui vient », alors que son homologue américain, Donald Trump, a annoncé le désengagement de ses troupes du territoire syrien le 19 décembre dernier.

« Le retrait annoncé de Syrie de notre allié américain ne doit pas nous faire dévier de notre objectif stratégique : éradiquer Daesh en privant cette organisation terroriste de toute empreinte territoriale et en empêchant sa résurgence », fit valoir M. Macron, le 17 janvier.

Cela étant, passée la suprise suscitée par l’annonce de M. Trump, y compris à Washington, l’administration américaine a mis de l’eau dans son vin. Ainsi, le retrait annoncé devrait se faire de manière « prudente », à la condition que la protection des milices kurdes, soutenues par la coalition contre Daesh tout en étant dans le collimateur de la Turquie, soit garantie et que la défaite de l’organisation jihadiste soit assurée.

« Si on en croit toutes les déclarations récentes faites par les Etats-Unis, nous sommes en train de nous réorienter vers un retrait progressif et très coordonné », a donc commenté Mme Parly. « C’est plutôt une très bonne nouvelle si les choses se poursuivent ainsi », a-t-elle ajouté, en soulignant, une fois encore, que le combat contre Daesh n’était « pas terminé ».

« La deuxième chose que nous avons faite vis-à-vis de nos partenaires américains, c’est de leur faire prendre en compte la nécessité de donner des garanties de sécurité aux Kurdes », a ensuite déclaré la ministre. « Cette question de la nécessaire protection des Kurdes est maintenant très clairement prise en compte par les alliés américains », a-t-elle assuré.

Reste la question de l’avenir de la coalition au Levant. Pour Paris, y maintenir une présence militaire permettrait de garder une capacité de réaction en cas d’attentat ou de tentative de déstabilisation, d’autant plus que l’état-major de Daesh n’a pas encore été mis hors d’état de nuire, son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, ainsi que ses principaux lieutenants étant encore dans la nature. Qui plus est, les conditions pour éviter une résurgence du groupe jihadiste sont encore loin d’être réunies.

« Nous sommes partenaires d’une coalition, nous restons partenaires de cette coalition. Cette coalition ne quittera pas le Levant, elle restera en Irak […] elle continuera d’intervenir », après le retrait américain de Syrie, a souligné Mme Parly. « Une partie très importante de cette coalition, l’essentiel même, se trouve en Irak ce qui permet de faire plusieurs choses, d’abord d’appuyer la formation des forces armées irakiennes qui elles-mêmes luttent contre le terrorisme et éventuellement de réintervenir en Syrie mais sous certaines conditions », a-t-elle en effet expliqué.

L’Irak n’est pas le seul pays concerné par les opérations de la coalition. S’agissant de la seule force française Chammal, ses Rafale décollent actuellement de Jordanie et des Émirats arabes unis pour frapper Daesh en Syrie. Idem pour l’aviation américaine, qui utilise les bases d’al-Udeid [Qatar] et d’al-Dhafra [Émirats]. En outre, c’est sans compter sur les moyens aéronavals déployés dans la région.

Par ailleurs, l’Irak n’en a pas encore totalement fini avec l’EI… « Daesh conserve […] des capacités de nuisance, tout en poursuivant sa posture de dissimulation et d’évitement face aux forces de sécurité irakiennes », a ainsi encore fait valoir l’État-major des armées, dans son dernier compte-rendu des opérations.

Mais pour garder un oeil sur Daesh, la France mise donc avant tout sur l’Irak, où elle a déployé une unité d’artillerie [TF Wagram] et des instructeurs pour assurer la formation des forces irakiennes [TF Monsabert et Narvik]. D’où le prêt de 1 milliard d’euros que Paris a consenti à Bagdad afin de financer la reconstruction du pays, dont l coût est estimé à environ 88 milliards d’euros.

« La France est présente en Irak, la coalition aussi. La coalition se réunira à Washington au mois de février pour décider de la suite de son action. Donc, pour l’instant, nous sommes là et nous restons », a commenté, la semaine passée, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères.

Cependant, il faudra composer avec les visées de Téhéran en Irak, dans le cadre plus large du retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.

En effet, d’après une étude de l’International Crisis Group [ICG], l’Iran pourrait répondre aux sanctions américaines en utilisant ses relais au Moyen-Orient, dont les milices chiites irakiennes du Hachd al-Chaabi.

« L’Irak est un endroit où nous avons de l’expérience, la possibilité de nier [toute implication], et la capacité requise pour frapper les Etats-Unis » sans déclencher « des représailles directes, a ainsi expliqué un responsable iranien cité par l’ICG. En outre, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a fait valoir, le 16 janvier, qu’il serait de l’intérêt de Bagdad de se tourner vers Téhéran pour la reconstruction du pays.

« Si une compagnie européenne ou américaine vient pour reconstruire l’Irak, le coût pour protéger ses employés est supérieur à celui du contrat. Si c’est une compagnie iranienne, c’est moins cher et elle n’a pas besoin de protection », a plaidé M. Zarif.

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