Les enjeux sécuritaires de la Baltique rejoignent les intérêts stratégiques de la France

Lors d’un discours prononcé à l’occasion de la Leçon inaugurale de la Chaire « Grands enjeux stratégiques » de l’Université Panthéon-Sorbonne, en janvier 2016, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait souligné le risque d’une « vision divergente de nos intérêts de sécurité, entre Européen. » Et d’ajouter : « Nous devons à cet égard éviter une ‘régionalisation’ des politiques de sécurité » car « tandis que certains Alliés ont le regard tourné vers l’Est, d’autres se concentrent au Sud, où l’instabilité et le terrorisme ne cessent de croître. »

Quelques semaines plus tard, la Pologne donna un exemple de ce risque évoqué par M. Le Drian. Chef de la diplomatie polonaise, à l’époque, Witold Waszczykowski avait en effet expliqué que « l’activité de la Russie [était] une sorte de menace existentielle parce qu’elle [pouvait] détruire des pays ». Et, selon lui, le terrorisme et les vagues migratoires n’étaient que des « menaces non-existentielles. »

Fallait alors en conclure que les pays de l’est ne s’intéressaient pas à ce qui pouvait se passer au sud de l’Europe? Cela a sans doute été vrai il y a trois ans. Mais tel n’est plus forcément le cas maintenant [du moins à de très rares exceptions], comme l’affirme la plaquette intitulée « La France face aux enjeux de sécurité en Baltique » que vient de publier la Direction générale des relations internationales et de la stratégie [DGRIS] du ministère des Armées [.pdf].

« La France partage avec ses partenaires de la mer Baltique de nombreux intérêts stratégiques, qui se traduisent par des déploiements communs. Les enjeux majeurs de sécurité au flanc Sud – qui affectent toute l’Europe – étant la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires, les engagements communs se situent en Afrique et au Moyen-Orient », lit-on dans ce document.

« Tous les États du pourtour de la mer Baltique sont engagés soit au Levant, soit en Afrique », relève la DGRIS. « Au Sahel, ils participent à la lutte contre le terrorisme et à la stabilisation de la région aux côtés de la France, dans la MINUSMA [mission de l’ONU au Mali] et EUTM Mali [mission de formation de l’UE]. L’Estonie participe aussi à l’opération française Barkhane depuis l’été 2018, avec le déploiement de 50 soldats. Au Liban, la Finlande relève une compagnie française de la Force Commander Reserve au sein de la FINUL [mission ONU] avec 300 soldats, depuis l’invocation de l’article 42.7 du TUE par la France en 2015 », rappelle-t-elle.

En outre, poursuit la DGRIS, « afin de lutter contre le trafic de migrants en Méditerranée, tous nos partenaires de la région membres de l’UE – à l’exception du Danemark en raison de sa clause d’exemption de la PSDC – participent à l’opération Sophia. »

« Au-delà de ces engagements, les intérêts français doivent être appréciés à la lumière de l’imbrication croissante des intérêts des États européens », souligne la DGRIS. Et en effet, plusieurs pays de la Baltique ont, comme la France, été la cible d’actes terroristes [Allemagne, Danemark, Finlande, Norvège, Suède]. Et d’ajouter que « le dialogue approfondi entre Européens sur les priorités stratégiques font progressivement émerger un nombre croissant d’intérêts partagés. »

Dans le même temps, il n’est pas question de négliger les menaces qui pèsent sur la région de la Baltique qui, pour la France, est aussi une zone d’intérêt, dans la mesure ou 200.000 de ses ressortissants y vivent et qu’elle représente un tiers du produit intérieur brut [PIB] européen. D’où l’engagement des forces françaises dans cette partie du monde, dans le cadre de l’Otan [présence avancée renforcée ou eFP, Baltic Air Policing, c’est à dire la surveillance de l’espace aérien des trois pays baltes]. « Votre sécurité est notre sécurité », avait ainsi lancé Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un déplacement en Finlande, en août dernier.

« La remilitarisation de la région, suscitée par la posture de Moscou, s’est généralisée à l’ensemble des États riverains. La Russie a développé une politique d’affirmation de sa puissance et d’intimidation stratégique, incluant déploiement militaire, menace et usage de la force sur plusieurs théâtres [Géorgie, Ukraine, Syrie] et violations du droit international, en particulier avec l’annexion de la Crimée. […] Cette reconstruction agressive de la puissance russe s’inscrit par ailleurs dans une logique de constitution d’une ‘ceinture stratégique’ qui s’étend de l’Arctique au Moyen-Orient », explique la DGRIS.

Depuis 2014, et tous les ans, 4.000 militaires français sont déployés dans la région de la Baltique au titre des mesures d’assurance prises par l’Otan après l’annexion de la Crimée. Et cela pour un « coût annuel de 40 à 50 millions d’euros », précise la DGRIS.

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