Berlin appelle la Russie à retirer ses missiles supposés violer le traité sur Forces nucléaires intermédiaires

Le missile russe 9M729 « Novator » enfreint-il le traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], qui, ne concernant que les États-Unis et la Russie, interdit la mise au point et le déploiement d’engins d’une portée allant de 500 à 5.500 km? Les autorités américaines l’assurent, de même que l’Otan. Mais Moscou s’en défend.

En décembre 2018, et faute d’avoir reçu des éclaircissements de la part de la Russie au sujet de ce missile 9M729 « Novator », l’Otan a donné deux mois à Moscou pour répondre à des demandes « répétées de clarification ». Quant aux États-Unis, ils ont fait savoir que, passé ce délai, ils suspendront leurs obligations relatives au traité FNI, lequel, par ailleurs, leur lie les mains face à la Chine, qui ne se prive pas de développer des missiles de portée intermédiaire. D’ores et déjà, le président américain, Donald Trump, a fait savoir qu’il était prêt à se retirer de cet accord.

Signé en 1987 afin de mettre un terme à la crise des Euromissiles, durant laquelle des missiles Pershing II américains furent déployés en Europe de l’Ouest pour répondre à celui des SS-20 soviétiques, le traité FNI est élément fondamental de l’architecture européenne de sécurité.

Aussi, diplomates américains et russes se sont retrouvés à Genève, le 15 janvier, pour tenter de sauver ce traité. Mais chacun a campé sur ses positions.

« Nous avons profité des consultations pour proposer à la partie américaine une série de mesures concrètes sur les missile 9M729 qui, selon nous, permettraient d’écarter toute suspicion sur la non-conformité à ce traité », a affirmé Sergueï Riabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, sans donner plus de précisions. Mais visiblement, cela n’a pas convaincu la partie américaine.

« Nous sommes comme toujours prêts à travailler pour sauver le traité », avait, pour sa part, affirmé Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, lors de sa conférence de presse annuelle. Et d’ajouter : « J’espère que les pays européens, qui ont peut-être plus d’intérêts là-dedans que n’importe qui d’autres, vont aussi mettre leurs forces pour ne pas coller à la position des Etats-Unis […] et vont essayer de pousser Washington à avoir une position plus responsable. »

À l’issue de la réunion de Genève, la sous-secrétaire d’État américaine chargée du Contrôle des armements et des Affaires de sécurité internationales, Andrea Thompson, a jugé les discussions « décevantes car il est clair que la Russie continue d’être en violation flagrante du Traité. » Toutefois, elle a fait passer un message clair : « la Russie doit détruire son système de missile non conforme. »

Dans cette affaire, l’Allemagne a déjà prévenu qu’elle refuserait toute présence de missiles sur son territoire. « La politique des années 1980 n’aide pas à répondre aux questions d’aujourd’hui. Un déploiement de nouveaux missiles à moyenne portée rencontrerait une grande résistance » outre-Rhin, a en effet déclaré, en décembre, Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères.

D’autant plus que le chef d’état-major russe, le général Valery Gerasimov, a menacé les membres de l’Otan qui seraient prêts à accueillir des missiles balistiques américains de portée intermédiaire sur leur sol en évoquant des « contre-mesures ». Et de préciser : « Ce n’est pas le territoire des États-Unis qui est menacé de destruction, mais bien (ces) pays. »

Le nouveau missile russe étant au coeur du problème [et cela depuis 2014…], la solution, aux yeux du gouvernement allemand, passe par son retrait.

« Ce n’est pas un mystère que nous pensons, comme tous les autres membres de l’Otan, qu’il y a un missile [le 9M729 « Novator »] et qu’il doit être désarmé de manière vérifiable afin de revenir à l’application de ce traité [FNI] », a ainsi affirmé le chef de la diplomatie allemande, le 18 janvier.

« Nous avons tout à fait intérêt à ce que [ce traité] reste en vigueur. Il touche à nos intérêts sécuritaires de façon fondamentale et c’est pour cela que le gouvernement allemand s’engage pour qu’il ait un futur », a continué M. Maas.

Pour résumer, la Russie aurait donc mis au point et développé un missile non autorisé par un traité fondamental pour la sécurité européenne tout en se disant prête à « sauver » ce dernier, sans pour autant apporter de réponses aux questions que ce nouvel engin soulève. Là-dessus, les États-Unis, qui ont la Chine dans la ligne de mire, s’estiment en droit de le dénoncer. Et au milieu, les Européens comptent les points tout en craignant de faire les frais de cette situation.

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