Un appel aux dons pour soutenir l’agresseur présumé de deux gendarmes fait polémique

Lors de l’acte 8 des « gilets jaunes », le 5 janvier, à Paris, plusieurs gendarmes mobiles ont été grièvement blessés par des manifestants, qui, selon la Gendarmerie nationale, les ont « frappés au sol avec une violence et une haine insupportables […] à coups de barre de fer ».

Mais les images qui ont tourné en boucle auront été celles de la porte défoncée menant aux bureaux du secrétaire d’État auprès du Premier ministre, Benjamin Grivaux, ainsi que celles de ces deux « moblots » de l’escadron 24/5 de Grenoble violemment pris à partie sur la passerelle « Léopold-Sédar-Senghor » par un individu semblant maîtriser parfaitement les techniques propres à la boxe.

Dans la soirée, le syndicat des commissaires de la Police nationale [SCPN] s’est adressé directement à l’individu en question, via Twitter. « Monsieur, vous qui avez frappé un collègue à terre, vous êtes identifié. Pour un boxeur, vous ne respectez apparement pas beaucoup de règles. Nous allons vous apprendre celles du code pénal.

Alors que les gendarmes violemment agressés venaient de porter plainte [l’un d’eux s’est vu prescrire 15 jours d’incapacité totale de travail], leur agresseur présumé s’est rendu à la police, après avoir tenté de justifier son attitude dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux [il se serait « défendu » face « aux violences policières », ce que les images sont loin de suggérer, ndlr]. C’est ainsi que l’ancien boxeur professionnel Christophe Dettinger, champion de France poids lourds-légers en 2007 et 2008 et actuellement fonctionnaire territorial au sein de la mairie de Massy, a été placé en garde à vue.

Seulement, dans le même temps, un cagnotte a été ouverte afin de « soutenir » M. Dettinger sur le site de financement participatif Leetchi. Et, visiblement, la cause de l’ancien boxeur a suscité un élan de générosité étonnant… Au matin de ce 8 janvier, plus de 110.000 euros avaient en effet été récoltés.

« Tous les week-ends, cet homme a défendu pacifiquement ses idées, celle des gilets jaunes. Ce week-end face à la pression il a pris un risque pour défendre les manifestants. Malheureusement il risque de servir d’exemple. Aidons le dans ce combat, il ne doit pas être le seul à payer », ont fait valoir ceux ayant pris cette initiative

De quoi donner lieu à une polémique, d’autant plus que l’agression des deux militaires a suscité une vive émotion au sein de la Gendarmerie nationale.

Ainsi, le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi a été l’un des premiers à réagir. « Apparemment, ça rapporte de frapper un policier. Quand l’attrait de l’argent vient s’ajouter à la haine et à la violence, je n’ai que du dégoût. Tout le monde doit être responsable : cette cagnotte est indigne », a-t-il affirmé.

« Est-ce que c’est normal de vouloir apporter un soutien à ce monsieur qu’on a vu frapper un policier à terre, qu’on a vu boxer un policier? », s’est indignée Elisabeth Borne, la ministre des Transports, sur les ondes de France Info. « Je pense qu’il faut aussi que chacun reprenne un peu ses repères », a-t-elle ajouté.

De son côté, Syndicat des cadres de la sécurité intérieure [SCSI] a dénoncé une « énième provocation », estimant qu’il s’agit d’un « message à la haine et à la violence par destination qui se doit d’être sanctionné. »

« La cagnotte du boxeur qui a délibérément frappé nos camarades gendarmes dépasse les 110.000 euros ce matin. Cette marque de soutien est un message de haine envers les forces de l’ordre qui chaque jour sont engagées pour la sécurité des français », a réagi Frédéric Le Louette, sous-officier de gendarmerie et président de l’Association Professionnelle Nationale de Militaires Gend XXI.

« Il n’y a aucune défense dans les actes de Christophe Dettinger. La volonté de casser ‘du gendarme’ est le seul moteur de sa violence, de sa haine. Les gendarmes sont des soldats au service de la loi et des citoyens, pas des punching ball », a-t-il fait valoir.

Devant les réactions négatives suscitées par cette cagnotte, Leetchi a dû répondre aux interpellations de nombreux internautes, lesquels ont, le plus souvent, mis en cause la légalité d’une telle initiative. L’un d’eux, citant la loi de 1881 sur la liberté de la presse, a ainsi rappelé qu’il est « interdit « d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende, ou de l’une de ces deux peines seulement. »

« Aujourd’hui elle [la cagnotte] est légale puisqu’aucune peine n’a pour l’heure été prononcée. Nous avons l’habitude de ce genre de cas et sommes très vigilants au respect de la loi », a répondu Leetchi.

Mais, finalement, ce site de financement participatif s’est fendu d’un communiqué pour annoncer que la cagnotte ouverte au bénéfice de M. Dettinger « n’accepte désormais plus de contributions. »

« Leetchi s’engage à ce que les fonds collectés sur la cagnotte de soutien à Christophe Dettinger servent uniquement à financer les frais de justice conformément à nos CGU et à la législation en vigueur. En effet, nos CGU proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence. Compte tenu des actes reprochés à Christophe Dettinger, aucune autre utilisation de la cagnotte ne saurait être acceptée. Le transfert des fonds ne sera ainsi effectué que sur présentation de justificatifs (Devis et Notes d’honoraires de l’Avocat). L’argent sera reversé directement sur le compte dédié de l’avocat et ce sans aucun intermédiaire », a expliqué l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, selon l’article 222-12 du Code pénal, M. Dettinger risque une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende s’il est reconnu coupable d’avoir commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours contre une « personne dépositaire de l’autorité publique. »

Par ailleurs, et selon les chiffres donnés par le Premier ministre, Édouard Philippe, il y a déjà plus de 1.000 condamnation et 5.600 gardes à vue depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». En outre, il aussi annoncé un durcissement de loi contre les casseurs. Enfin, pour le prochain « acte », le 12 janvier, 80.000 membres des forces de l’ordre seront mobilisés afin de « garantir l’ordre public ».

À noter que le président de la région PACA, Renaud Muselier, a décidé d’ouvrir une cagnotte en soutien aux 1.050 membres des forces de l’ordre blessés au cours du mouvement des « gilets jaunes ». « Depuis plus de huit semaines, nos forces de l’ordre sont surexposées [https://www.leetchi.com/c/soutien-fdo]. Sans relâche, celles et ceux qui mettent leur vie en danger pour protéger la nôtre et faire respecter l’ordre républicain en France font face à un déferlement de violence et de haine absolument intolérable », a-t-il fait valoir, avant de réclamer des sanctions « avec la plus grande fermeté » envers ces « comportements ultra-violents ». À 14H30, un peu plus de 47.000 euros avaient été récoltés.

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