En prenant la tête de la force de réaction très rapide de l’Otan, l’armée allemande passe un « test de résistance »

Quand il fut annoncé que l’Allemagne prendrait la tête de « Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » [Very High Readiness Joint Task Force, VJTF] de l’Otan, certains émirent des doutes sur sa capacité à être au rendez-vous.

Ainsi, en 2017, un rapport de la Rand Corporation avait estimé qu’il faudrait à la force terrestre allemande [Heer] « probablement plus d’une semaine pour mobiliser un bataillon blindé » et un mois pour une « brigade blindée complète en dépouillant d’autres unités », sachant que la VJTF repose sur une capacité à mobiliser, en cas de nécessité, des troupes à très court préavis afin de préparer le terrain pour le déploiement d’un deuxième échelon [IFFG], composée de deux brigades multinationales.

Un an plus tard, le quotidien Die Welt confirma les doutes émis dans ce rapport. Ainsi, avait-il affirmé, sur la foi de documents internes de la Bundeswehr, le Panzerlehrbataillon 93 de la Panzerlehrbrigade 9, désignée pour constituer cette VJTF, ne disposait alors que de 9 chars Leopard 2A6 sur les 44 prévus et seulement 3 blindés Marder sur 14. Et il manquait également des « petits équipements » de cohérence, comme les lunettes de vision nocturen, les lance-grenades et même les vêtements chauds. Et l’approvisionnement en rations de combat laissait aussi à désirer.

Depuis le 1er janvier, la Panzerlehrbrigade 9 a succédé à une brigade italienne et a donc pris la tête de cette VJTF, dont le principe a été décidé en 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie. Cette dernière compte également des unités françaises, belges, néerlandaises, tchèques, lettones et lituaniennes. L’ensemble forme ainsi une brigade multinationale forte de 8.000 militaires.

L’exercice Trident Juncture 18, qui s’est déroulé en Novège, en octobre, a permis de certifier la Nato Response Force [NRF] 19 ainsi que la VJTF 19, qui en est le noyau. Mais la question posée par les médias d’outre-Rhin est de savoir si la Bundeswehr va tenir la distance. Ainsi, le quotidien « Süddeutsche Zeitung » a parlé de « stress test » [ou test de résistance] pour l’armée allemande.

L’enjeu sera de maintenir un haut degré de disponibilité tout au long de l’année. Pas question, donc, que les blindés soient en panne au moment où ils feront éventuellement besoin. Or, pour le quotidien allemand, « garder du matériel et des troupes prêtes à agir rapidement afin d’empêcher une escalade en temps de crise grâce à une intervention rapide, si possible » sera « un défi » pour la Bundeswehr, d’autant plus que cette dernière est aussi engagée en Lituanie, dans le cadre de la Présence avancée renforcée de l’Otan [eFP]. La chaîne d’information allemande n-TV a également parlé d’un « défi majeur », notamment du point de vue « logistique ».

Pour être au rendez-vous, la Bundeswehr a dû « déshabiller Paul pour équiper Jacques », c’est à dire que certaines unités ont dû « prêter » leurs équipements à celles devant être mobilisées au titre de la VFTF. Ce qui n’est pas du goût de Hans-Peter Bartel, le commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr. Selon lui, il est nécessaire de « mettre en place une force entièrement équipée ». Faute de quoi, a-t-il dit, « c’est du matériel qui manque ailleurs. » Aussi, a-t-il insisté, les unités allemandes doivent « à nouveau être équipées à 100%, de sorte qu’elles puissent disposer des équipements qu’elles sont censées avoir sur le papier ».

Quoi qu’il en soit, pour la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, ce nouveau rôle pour Berlin est « extrêmement exigeant » mais il « constitue également une avancée importante pour la modernisation de l’armée allemande. » Et d’ajouter : « L’importance de la VJTF pour une Bundeswehr moderne et prête à l’action et le rôle de l’Allemagne dans l’Otan ne sauraient être surestimés. »

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