L’Arabie Saoudite aurait recruté des miliciens mineurs au Soudan pour combattre au Yémen
L’on savait que, par calcul politique, le Soudan avait envoyé au moins 6.000 soldats [*] combattre au Yémen, dans le cadre de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite afin de contrer la milice Houthis, soutenue par l’Iran et d’appuyer les troupes loyales au président Abdrabbo Mansour Hadi.
Ainsi, en mai dernier, il fut rapporté que des dizaines de soldats soudanais avaient été tués dans une embuscade tendue par des rebelles Houthis dans la région de Hajjah [nord du Yémen]. Mais, d’une manière générale, il est compliqué d’avoir une idée précise des pertes subies par les forces soudanaises depuis leur engagement au sein de la coalition arabe. Toutefois, le chiffre de 412 tués a été évoqué en octobre 2017.
Même si cette participation au conflit yéménite n’est pas populaire au sein de son opinion publique, le président soudanais Omar el-Béchir a récemment réaffirmé que l’armée soudanaise continuerait de faire partie de la coalition arabe, après avoir reçu, à Khartoum, le général Fayyad ben Hamed al-Ruwaili, le chef d’état-major saoudien.
« La sécurité des deux Saintes Mosquées constitue une ligne rouge, et le Soudan accomplit un devoir moral sacré. […] Les forces armées soudanaises continueront à faire partie de l’alliance, conformément aux engagements contractés entre les deux pays », a ainsi affirmé M. el-Béchir.
En réalité, les combattants soudanais envoyés au Yémen sont le plus souvent des paramilitaires membres de la Force de soutien rapide [RSF], recrutés au sein des tribus arabes du Darfour. En 2016, ces derniers sont passés de la tutelle des services de renseignement à celle de l’armée.
« Depuis près de 4 ans, près de 14.000 miliciens soudanais ont combattu au Yémen », avance le New York Times. Et presque tous « semblent provenir de la région du Darfour, appauvrie et ravagée par la guerre, où quelque 300.000 personnes ont été tuées et 1,2 million déplacées au cours d’une douzaine d’années », poursuit-il.
La milice tribale « Janjawid » constitue le gros des troupes. Lors de la guerre du Darfour, elle avait été accusée d’avoir pratiqué des crimes de masse et le viol systématique des femmes. Mais les miliciens qui combattent les Houthis sont, pour la plupart, trop jeunes pour avoir connu cette période.
En effet, selon le New York Times, il y aurait au moins 20% et jusqu’à 40% de combattants mineurs [âgés de 14 à 17 ans] parmi les miliciens soudanais recrutés pour être ensuite envoyés au Yémen. Ce que nie Khartoum et la coalition arabe.
« Les allégations selon lesquelles il y aurait des enfants dans les rangs des forces soudanaises sont fictives et sans fondement », a ainsi assuré Turki al-Malki, un porte-parole, via un communiqué.
Toujours est-il que ces miliciens soudanais recevraient des primes versées par l’Arabie Saoudite d’un montant pouvant aller jusqu’à 10.000 dollars ainsi qu’une solde mensuelle d’environ 480 dollars, soit quasiment le revenu d’un médecin au Soudan.
Les paiements sont versés « directement à la Faisal Islamic Bank of Sudan », en partie détenue par des Saoudiens, explique le quotidien américain. « À la fin d’une rotation de six mois, chaque combattant reçoit également un paiement unique d’au moins 700.000 livres soudanaises, soit environ 10.000 dollars au taux de change officiel en vigueur », précise-t-il.
Or, avec cette manne financière, de nombreuses familles soudanaises, principalement du Darfour, s’empressent d’envoyer un fils se battre au Yémen.
L’un de ces combattants, recruté à l’âge de 14 ans, a ainsi expliqué que « les familles savent que le seul moyen de changer leurs vies est que leurs fils fassent la guerre et ramènent de l’argent. »
Au Yémen, ces miliciens soudanais seraient « supervisés à distance » par des officiers saoudiens et émiratis, qui communiquent par téléphone tout en suivant leurs traces par GPS, « sans jamais se battre à leurs côtés ».
D’après un reportage publié en avril par RFI, le cas du Soudan ne serait pas isolé. D’autres pays africains auraient en effet envoyé des miliciens se battre au Yémen, comme le Tchad et l’Ouganda.
Quant aux enfants-soldats, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a indiqué, le 28 février dernier, en avoir recensé environ 1.500, principalement recrutés par les rebelles Houthis. Et encore, cette estimation serait loin de la réalité étant donné que « la plupart des familles ne sont pas disposées à parler du recrutement de leurs enfants, par crainte de représailles. »