« Il faut traiter nos alliés avec respect », lance le chef du Pentagone dans sa lettre de démission adressée à M. Trump

Après avoir annoncé unilatéralement le retrait « immédiat » des 2.000 soldats américains de Syrie alors que le combat contre l’État islamique [EI ou Daesh] n’est pas terminé et que les alliés kurdes de la coalition antijihadiste sont à la merci d’une offensive turque, le président Trump aurait aussi décidé de réduire drastiquement l’engagement militaire des États-Unis en Afghanistan, un peu plus d’un an après l’avoir renforcé dans le cadre d’une nouvelle stratégie dévoilé en août 2017.

Cette décision, qui doit encore être confirmée, prend à contre-pied l’Otan, dont plusieurs membres ont renforcé [ou sont sur le point de le faire] leurs troupes déjà déployées en Afghanistan au titre de la mission Resolute Support.

« La décision a été prise. Il y aura un retrait important » d’Afghanistan, a en effet indiqué un responsable américain à l’AFP. D’après le Wall Street Journal et le New York Times, il ne resterait plus que 7.000 soldats américains sur les 14.000 actuellement déployés sur le sol afghan, soit autant qu’au moment de l’opération Anaconda, lancée en mars 2002 dans la vallée de Shahi Kot contre les taliban.

Ce désengagement partiel, qui n’a pas encore fait l’objet de discussions avec les autorités afghanes, interviendrait au moment où des négociations avec le mouvement taleb sont en cours [et l’on peut s’interroger sur l’impact qu’il aura sur ces dernière] et où l’aviation américaine connaît un niveau d’activité supérieur à celui qui fut le sien en 2011.

Et l’on ignore encore si M. Trump suivra l’idée de « privatiser » la guerre en Afghanistan, comme le lui a suggéré Elrik Prince, fondateur de la société militaire privée Blackwater [devenu (« Academi« ) « Constellis Group » aujourd’hui] et soutien fervent du chef de la Maison Blanche, en faisant miroiter de substantielles économies.

« Si nous quittions le pays précipitamment maintenant, je ne pense pas que [les forces afghanes] seraient capables de défendre leur pays », a récemment estimé le général Kenneth McKenzie, le futur patron du commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient.

Le retrait annoncé de Syrie aura déjà été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour James Mattis, le chef du Pentagone. Et ce qui se prépare pour l’Afghanistan n’a pu que le conforter dans sa décision de remettre sa démission à M. Trump. Cela étant, depuis septembre, le locataire de la Maison Blanche a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il souhaitait s’en séparer, après avoir dit de lui qu’il était une « sorte de démocrate ».

Depuis qu’il a pris les rênes du Pentagone, James Mattis, ex-général de l’US Marine Corps surnommé le « Warrior Monk » [le moine guerrier], a été presque tout le temps désavoué par M. Trump. Cela a été le cas au sujet du projet de créer une « armée spatiale », du retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien ou encore de la suspension des exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud.

« Parce que vous avez le droit d’avoir un secrétaire à la Défense dont les vues sont mieux alignées sur les vôtres […] je pense que me retirer est la bonne chose à faire », a écrit M. Mattis dans une lettre adressée à M. Trump et rendue publique par le Pentagone.

« Une de mes croyances fondamentales a toujours été que notre force en tant que nation est inextricablement liée à la force de notre système unique et complet d’alliances et de partenariats », a fait valoir le chef du Pentagone dans sa lettre. « Comme vous, j’ai dit depuis le début que les forces armées des États-Unis n’avaient pas pour vocation à être le gendarme du monde » mais « il faut traiter les alliés avec respect […]. Nous devons faire tout notre possible pour favoriser un ordre international propice à notre sécurité, notre prospérité et nos valeurs, et nous sommes renforcés dans cet effort par la solidarité de nos alliances », a-t-il continué.

« De même, je suis convaincu qu’il nous faut être résolus et sans ambiguïté dans notre approche envers les pays dont les intérêts stratégiques sont de plus en plus opposés aux nôtres », a encore avancé M. Mattis, au sujet de la Chine et de la Russie.

La démission de M. Mattis, vu comme étant l’un des rares responsables américains à pouvoir influencer M. Trump [ce qu’il a pas réussi à faire…] inquiète la classe politique américaine, quel que soit son bord.

Le chef de file des démocrates au Sénat, Chuck Summer a ainsi déploré la démission de celui qui était l’un des « symboles de force et de stabilité » au sein de l’administration Trump, dont les claquements de portes successifs font penser à une pièce de Georges Feydeau… Même chose pour Nancy Pelosi, qui devrait assurer la présidence de la Chambre des représentats, où le Parti démocrate est désormais majoritaire après les élections de mi-mandat.

La critique la plus cinglante est sans doute venu du camp de M. Trump, avec le commentaire de Marco Rubio, sénateur républicain de Floride. « Il suffit de lire la lettre de démission du général Mattis. Elle indique clairement que nous nous dirigeons vers une série d’erreurs politiques graves qui mettront en danger notre nation, endommageront nos alliances et renforceront nos adversaires », a-t-il taclé.

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