Le Premier ministre canadien veut annuler une importante commande saoudienne de véhicules blindés

Suite à l’affaire Khashoggi, du nom de ce journaliste saoudien assassiné dans les locaux du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul [Turquie], plusieurs pays ont annoncé leur intention de suspendre leurs ventes d’équipements militaires à Riyad. Tel est ainsi le cas de la Finlande, de la Norvège, du Danemark et de l’Allemagne.

« Il ne peut y avoir d’exportations d’armes dans la situation où nous nous trouvons, même si ces ventes sont d’ampleur limitée », a en effet estimé la chancelière allemande, Angela Merkel, alors que Berlin a approuvé l’exportation de plus de 400 millions d’euros d’armement vers l’Arabie Saoudite.

Le Canada voudrait aller encore plus loin. N’entretenant déjà pas les meilleures relations du monde avec le royaume saoudien, après s’être dit « gravement préoccupée » par une nouvelle vague d’arrestations de militants des droits de l’Homme et d’activistes féministes, le gouvernement canadien emmené par Justin Trudeau se dit en effet prêt à faire une croix sur un important contrat d’armement, portant sur la livraison de plusieurs centaines de véhicules blindés LAV 6 [Light Armoured Vehicle] aux forces saoudiennes. Seulement, l’affaire s’annonce compliquée…

En 2014, le précédent gouvernement canadien, alors dirigé par le conservateur Stephen Harper, avait autorisé la vente de 928 véhicules LAV 6 à l’Arabie Saoudite, pour un montant de près de 10 milliards d’euros [15 milliards de dollars canadiens]. Il s’agissait alors du contrat d’armement le plus important jamais obtenu par l’industrie canadienne de l’armement.

Outre la livraison des blindés, le contrat, attribué à General Dynamics Land Systems Canada, prévoyait un programme de soutien de 14 ans, avec le réapprovisionnement en pièces de rechange et la formation des militaires saoudien. De quoi assurer 2.000 emplois directs.

En mars, Radio Canada avait donné le détail de la commande saoudienne. Ainsi, cette dernière porte sur « 354 véhicules standards de transport de troupes [40% du contrat, ndlr] ainsi que sur « 119 véhicules d’assaut avec tourelles munies de canons de calibre 105 millimètres, 119 véhicules antichars, et 119 désignés comme des véhicules de soutien de ‘tir direct’ comprenant une tourelle à deux hommes et un canon à chaîne de calibre 30 millimètres. Le reste de la commande comprend des ambulances, des postes de commande mobiles, des véhicules destinés aux gradés ainsi que des véhicules de dépannage équipés de grues. »

Avec l’affaire du Yémen, où l’Arabie saoudite intervient militairement en ayant pris la tête d’une coalition arabe, et après la crise diplomatique de l’été dernier, M. Trudeau avait jusqu’à présent estimé qu’il serait « extrêmement difficile » d’annuler un tel contrat dans la mesure où une telle décision impliquerait le paiement de pénalités « exhorbitantes ».

Mais, visiblement, le Premier ministre canadien est résolu à annuler cette vente. « Nous avons hérité d’un contrat de 15 milliards de dollars signé par Stephen Harper pour l’exportation de véhicules blindés légers en Arabie saoudite », a-t-il d’abord rappelé, le 16 décembre, lors d’un entretien donné à la chaîne CTV. « Nous étudions les permis d’exportation pour voir s’il est possible de ne plus exporter ces véhicules vers l’Arabie Saoudite », a-t-il ajouté, sans donner d’explications.

« L’assassinat d’un journaliste est absolument inacceptable et c’est la raison pour laquelle le Canada exige depuis le début des réponses à ce sujet », a ensuite fait valoir M. Trudeau.

Plus tôt, cette année, et en raison de la personnalité du président philippin, Rodrigo Duterte, la vente de 16 hélicoptères Bell 412EPI par les Philippines avait suscité une vive polémique au Canada. Ce qui conduisit Manille à annuler sa commande de 235 millions de dollars pour se tourner ensuite vers la Russie.

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