Le gouvernement malien annonce l’envoi de renforts dans les régions de Tombouctou et de Taoudéni

Le 15 décembre, après une visite de deux jours effectuées à Tombouctou, le Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maïga, a annoncé une série de mesure pour renforcer la sécurité dans cette région ainsi que dans celle de Taoudéni, récemment créée. Il s’agit ainsi de répondre aux inquiétudes exprimées par la population, laquelle fait face à une montée de l’insécurité.

« Trois cent cinquante éléments supplémentaires de la police, de la gendarmerie et de la garde nationale seront bientôt déployés dans la ville de Tombouctou et dans la région du même nom », a ainsi indiqué M. Maïga. A priori, selon son cabinet, cette mesure sera mise en application au début de l’année 2019.

« Monsieur le Premier ministre, il faut régler le problème d’insécurité. Il y a des braquages, des vols de véhicule. Nous vivons la peur au ventre », avait précédemment expliqué Moustapha Maïga, de la coordination de la jeunesse de Tombouctou, au Premier ministre malien.

Et ce dernier de répondre : « Ce sont des bandits, alliés aux terroristes qui commettent ces braquages. Chacun doit choisir son camp et aider les forces de sécurité et de défense. L’État ne reculera pas devant ses responsabilités. »

Outre ces « braquages » et autres « vols de véhicules », il faut également prendre en compte la petite dizaine e de groupes armés présents dans la région de Tombouctou. Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU pour le Mali affirme que leur « dynamique a évolué de façon très complexe, en étant marquée par des divisions, des renversements d’alliances et un
éclatement. »

En outre, Soumeylou Maïga a aussi pris des mesures pour la région de Taoudéni, qui, dépendant autrefois de celle de Tombouctou, constitue désormais une entité à part entière. Ainsi, il est question d’y accroître les « moyens logistiques des forces de sécurité » et d’y créer un « corps de gardes-frontières ». Enfin, elle deviendra une « région militaire ».

Située au nord de Tombouctou, entre la Mauritanie et l’Algérie, la région de Taoudéni est « la terre des Arabes, auxquels s’ajoutent des tribus touaregs dans le sud et des Songhaï, qui exploitent de manière saisonnière les mines de sel », rappelle le rapport du groupe d’experts. Sa « géopolitique porte principalement sur le contrôle, traditionnellement exercé par les Bérabiche, des routes commerciales avec le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie. Des commerçants sahraouis ont également été signalés dans le nord de la région, en particulier pendant la saison d’extraction du sel », précise-t-il.

Cela étant, si la sécurité se dégrade dans la région de Tombouctou, la situation dans le cendre du pays est pariticulièrement préoccupante, avec une multiplication des affrontements communautaires, lesquels viennent s’ajouter à la menace des groupes jihadistes, lesquels s’en prennent notamment aux écoles. D’ailleurs, ces dernières semaines, la force française Barkhane y a neutralisé plusieurs cadres de cette mouvance [Almansour Ag Alkassam qui aurait joué un rôle déterminant sur le plan de la coordination avec les katibas de la région de Mopti, et Hamadoun Koufa, le chef de la katiba Macina ndlr].

« Dans le centre du Mali, les conditions de sécurité ont continué de se dégrader considérablement, principalement du fait des attaques ciblées et des affrontements intercommunautaires opposant des groupes d’autodéfense et des groupes extrémistes violents. Au cours de la période considérée, le bilan de 287 morts parmi la population civile, dont 14 femmes et 10 enfants, 38 blessés et 67 personnes enlevées est le plus élevé qui ait été enregistré depuis le déploiement de la MINUSMA [Mission de l’ONU au Mali, ndlr]. Plusieurs communes situées dans les cercles de Djenné et de Koro ont été prises dans une spirale de violences et de représailles qui a conduit à des massacres et au déplacement de plus de 5 000 civils », est-il expliqué dans le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

Des milices se sont formées sur une base communautaire. Les affrontements opposent généralement les éleveurs Peuls aux cultivateurs Dogons et aux chasseurs traditionnels Donzos. Un rapport de Human Rights Watch [HRW] affirme que les premiers sont souvent visés par les seconds « au motif qu’ils soutiendraient des islamistes armés en lien avec al-Qaïda. »

Autre région où la situation demeure préoccupante : celle de Ménaka. Selon le Mouvement pour le salut de l’Azawad [pro-Bamako], dans le nuit du 11 au 12 décembre, « des bandits armés sur plus de 20 motos ont fait irruption dans plusieurs localités » de cette zone et « ont exécuté des civils de la communauté idaksahak. » Et d’avancer le bilan de 47 tués, qui n’a toutefois pas été officiellement confirmé. « Les assaillants, après leur forfait, sont repartis vers la frontière nigérienne après avoir allumé un feu de brousse », a-t-il ajouté.

« Le MSA-D a été accusé de préférer les Daoussak aux Peuls, alors que ces deux communautés rivalisent pour le contrôle de terres et des ressources en eau et s’affrontent dans des affaires de vol de bétail. Tant les forces de sécurité que les chefs de la communauté peule estiment que les opérations ont contribué au recrutement de Peuls par l’EIGS [État islamique au grand Sahara, ndlr] », souligne le rapport du groupe d’experts de l’ONU pour le Mali.

Cela étant, et au-delà des succès opérationnels obtenus par la force Barkhane sur les groupes jihadites, il y a toutefois des éclaircies… Comme le montre le processus « Désarmement, Démobilisation et Réinsertion » [DDR]. Deux semaines après son lancement, « environ 1.500 combattants ont volontairement déposé les armes à Tombouctou, Gao et Kidal », a récemment annoncé Zahabi Ould Sidi Mohamed, le président de la Commission nationale chargée de ce programme. « C’est vérifiable sur le terrain. Nous nous attelons à lever d’éventuels d’écueils », a-t-il assuré.

Seulement, il y a encore du chemin à faire. « L’enregistrement a donné un effectif de 34.000 combattants [concernés par le désarmement]. Pour la suite, il s’agit de voir ceux qui se présenteront au screening (sélection) car l’exercice est volontaire », avait indiqué M. Mohamed, au lancement du processus DDR.

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