La France livre 1.400 fusils Kalachnikov à la Centrafrique et évoque la « contribution positive » de la Russie

Comme attendu, à l’occasion d’une visite de Florence Parly, la ministre des Armées, en Centrafrique, la France a livré 1.400 fusils d’assaut ainsi que trois embarcations amphibies aux forces armées locales [FACa]. Ces armes avaient été promises par Jean-Yves Le Drian, lors d’un déplacement à Bangui, en novembre dernier.

Même si l’armée de Terre est en train de s’en séparer au profit du HK-416F, les fusils livrés aux FACa ne sont pas des FAMAS… Mais des Kalachnikov AK-47, saisis en mars 2016 par la frégate multimissions [FREMM] « Provence », lors d’une intervention au large de Socotra [Yémen], dans le cadre de la Force opérationnelle combinée 150 [CTF-150]. L’avantage est que leur entretien sera plus aisé, de même que l’approvisionnement en munitions [calibre 7,62 × 39 mm M43, ndlr].

La cession de ce stock a été rendue possible grâce à une exemption à l’embargo des Nations unis sur les livraisons d’armes à la Centrafrique. L’an passé, la Russie avait aussi obtenu une telle dérogation, ce qui lui a depuis permis de prendre pied dans ce pays, avec 170 « instructeurs militaires civils » (c’est à dire des employés de sociétés militaires privés, dont le nombre serait deux à trois fois plus élevés selon différentes sources), des « investissements » et des projets de développement.

Alors que la Centrafrique est régulièrement le théâtre d’affrontements entre groupes armés rivaux et que l’État peine à asseoir son autorité, Moscou, qui ne cache pas son intérêt pour les ressources minières du pays, a également lancé une initiative parallèle à celle de l’Union africaine [UA] afin d’arriver à un accord de paix. Le tout s’accompagnant d’une campagne anti-française dans les médias locaux.

En novembre, M. Le Drian avait critiqué l’attitude de la Russie, notamment sa médiation entre les groupes armées et le gouvernement centrafricain, au motif qu’elle tient l’UA à l’écart. « Le seul sujet qui doit préoccuper ceux qui veulent s’occuper de Centrafrique, c’est […] la sécurité de ce pays et son développement, et non pas utiliser potentiellement les difficultés de ce peuple et de ce pays pour s’implanter dans un continent où il y aurait des ambitions voilées », avait-il dit, le 2 novembre.

De son côté, Mme Parly n’avait pas dit autre chose lors du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, sans toutefois citer explicitement la Russie. Les « initiatives opportunistes et souvent intéressées ne me paraissent pas contribuer à résoudre de façon positive la situation sécuritaire » en Centrafrique, avait-elle lancé.

Seulement, l’opposition entre la France et la Russie a fait que le mandat de la Misson multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine [MINUSCA] n’a pas pu être prolongé comme il l’aurait dû par le Conseil de sécurité. Il fera l’objet d’un autre projet de résolution, qui sera discuté le 15 décembre.

Aussi, est-ce sans doute pour cette raison que Mme Parly a adopté un ton plus conciliant à l’égard de l’implication russe en Centrafrique? « Ce qui est important, c’est que l’aide apportée notamment par la Russie puisse respecter les règles qui sont posées au niveau de la communauté internationale et par les Nations unies », a en effet déclaré Mme Parly, lors d’un point de presse; ce 11 décembre.

« Il est important également que cette contribution positive qu’un certain nombre de pays, parmi lesquels la Russie, apportent, puisse s’inscrire dans l’initiative africaine de paix qui est soutenue par l’UA », a continué la ministre française. Et d’ajouter : « La France est très attachée […] à ce que cette aide puisse être coordonnée avec l’aide apportée par la communauté internationale ».

Quant à l’embargo sur les armes, « il n’y a aucun obstacle de principe du côté de la France pour qu'[il] soit levé » définitivement, a dit Mme Parly. « Ce qui est important c’est que ces armes, dès lors qu’elles seront livrées aux forces armées centrafricaines, puissent être identifiées, stockées et tracées », a-t-elle souligné.

L’enjeu est de pouvoir faire en sorte que les FACa soient bien formées et équipées. Si la Russie s’y est employée avec ses « instructeurs militaires civils » [pour reprendre la terminologie utilisée par la diplomatie russe, ndlr], l’Union européenne y contribue également, via sa mission EUTM RCA.

« La reconstruction de l’armée est une de nos priorités dans le cadre de la recherche de la paix et de la stabilité », a rappelé le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra lors d’un entretien avec Mme Parly. « Nous comptons énormément sur nos partenaires traditionnels », a-t-il dit.

Malgré la fin de l’opération Sangaris, qui a permis d’éviter un bain de sang à Bangui, d’éviter la partition du pays et d’accompagner la montée en puissance de la MINUSCA, « la France n’est pas partie » car elle « est toujours présente sur différents terrains, militaire, diplomatique et sur le plan du développement », a assuré la ministre française. « La France est là et elle le restera », a-t-elle insisté.

Avant de s’envoler vers Bangui, Mme Parly avait rappelé, dans une tribune diffusée via les réseau sociaux, que la France « est le premier partenaire pour l’aide au développement en Centrafrique avec 130 millions d’euros d’aides apportées chaque année. »

Au niveau militaire, 200 soldats français sont encore présents en Centrafrique, soit au sein de l’EUTM RCA, soit en appui de la MINUSCA. Et il arrive que des avions engagés au titre de l’opération Barkhane fassent des « démonstrations de force » si besoin, comme cela fut encore cas en mai dernier, quand la mission des Nations unies avaient à faire face à de nouvelles violences, à Kaga Bandoro, à 300 km au nord de Bangui.

Photos : Armes saisies par la FREMM Provence, en 2016 (c) EMA

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