L’Otan redoute de voir l’Afghanistan devenir à nouveau un sanctuaire pour les organisations jihadistes
Dans un entretien à l’édition belge de Paris Match, le commandant de la Division Opérations de la Défense belge, le capitaine de vaisseau Carl Gillis, a expliqué qu’il n’avait été « quasiment pas » question du terrorisme lors d’une récente réunion du Collège de défense de l’Otan. En revanche, a-t-il dit, la « Russie est revenue dans toutes les analyses. »
Cela n’est guère surprenant. Ces derniers mois, les chefs militaires britanniques ont affirmé, à plusieurs reprises, que la Russie pose désormais une menace plus importante que celle incarnée par les groupes jihadistes, dont al-Qaïda et l’État islamique [EI ou Daesh]. La nouvelle stratégie américaine de défense et de sécurité nationale ne dit pas autre chose, reléguant au second plan la lutte contre le terrorisme et faisant des défis posés par des « puissances révisionnistes » [la Chine et la Russie, ndlr] une priorité.
Et, après 17 ans de contre-terrorisme et de contre-insurrection, les forces occidentales [et américaines en particulier] ont perdu des savoir-faire indispensables à la guerre de haute-intensité, tandis que la Russie et la Chine les ont au contraire développés.
Cela étant, l’Afghanistan est sans doute un terrain de confrontation entre puissances. Forte de sa proximité avec le Pakistan, la Chine tente d’y jouer sa carte, dans le cadre de sa stratégie dite des « nouvelles routes de la soie ». Redoutant l’émergence d’une branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K] qu’elle estime plus dangereuse pour ses intérêts que le mouvement taleb afghan, la Russie s’y implique, ce qui lui a valu d’être accusée de soutenir, via des livraisons d’armes, les insurgés taliban. Et ces derniers bénéficient aussi d’une aide iranienne… D’après Washington, Téhéran aurait ainsi fourni à ces derniers des missiles antichar, lesquels ont été saisis par l’armée afghane à Kandahar.
Pour autant, et même s’il est avancé qu’ils ont suffisamment « changé » ou que leur agenda est purement régional au point d’envisager de négocier avec eux afin d’aboutir à un accord de paix, les taliban restent indéfectiblement liés à al-Qaïda.
Le mouvement taleb « n’a pas changé de nature ni d’objectifs. Il sert toujours d’organisation faîtière à de nombreuses organisations terroristes, dont al-Qaïda, et leur fournit un environnement propice à la planification, à la formation et à l’équipement pour leurs prochaines opérations meurtrières sur le sous-continent et au-delà. Toute tentative visant à utiliser les talibans comme une force indirecte pour combattre al-Qaida et l’EI-K sera un exercice futile », estime en effet le think tank Eurasia Review.
Cependant, la stratégie d’al-Qaïda est plus subtile. Contrairement à l’EI-K, l’organisation jihadiste ne fait de publicité autour de ses actions en Afghanistan. Mais il n’en reste pas moins qu’elle combat aux côtés des taliban.
En décembre 2016, le Pentagone avait ainsi assuré que 250 membres de la mouvance créée par Oussama ben Laden avait été tués ou capturés en un an dans le pays. Plus récemment, l’armée américaine a affirmé que l’un de ses officiers, le sergent Leandro Jasso, avait été tué lors d’une opération visant des militants d’al-Qaïda dans la province de Nimroz. Or, jusqu’à présent, l’organisation jihadiste n’avait pas annoncé sa présence dans cette dernière…
Aussi, les propos tenus le 5 décembre par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, qui est présente en Afghanistan via la mission Resolute Support, chargée de former et conseiller les forces locales, ne sont pas surprenants.
« Il y a un risque important que les talibans reviennent [au pouvoir] et permettent aux groupes terroristes de s’installer », a-t-il dit. « Nous devons garantir la sécurité de nos citoyens en évitant que l’Afghanistan ne devienne une plateforme pour les terroristes défaits en Irak et en Syrie. Il n’est pas question que le califat perdu par Daesh en Irak et en Syrie soit rétabli en Afghanistan », a-t-il insisté.
La veille, le futur chef du commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, le général Kenneth McKenzie, avait admis que les forces afghanes étaient toujours incapables de défendre seules leur pays et qu’elles avaient subi des pertes très élevées susceptibles de devenir « intenables ». Aussi avait-il plaidé pour un effort afin d’améliorer le recrutement et la formation pour les surmonter ce taux de pertes.
Sur ce point, M. Stoltenberg a dit la même chose. « Je partage l’inquiétude suscitée par le nombre élevé de victimes, mais la conséquence n’est pas de réduire notre présence, mais de veiller à ce que nous leur apportions notre soutien pour leur permettre d’accroître encore davantage leurs capacités et leur résilience », a-t-il affirmé.
Dans une déclaration conjointe publiée à l’issue d’une réunion à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Otan ont « réaffirmé leur « engagement indéfectible à garantir la sécurité et la stabilité à long terme en Afghanistan ». Et de promettre un « soutien financier et logistique pour soutenir les forces afghanes et renforcer les moyens dont elles disposent pour éliminer la menace du terrorisme sous toutes ses formes afin d’assurer la sécurité des citoyens afghans et la stabilité dans la région. »