Les forces afghanes sont toujours incapables de défendre seules leur pays, admet un général américain

Depuis que les forces de sécurité afghanes sont désormais en première ligne face au mouvement taleb et à la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K], il a été régulièrement avancé qu’elles subissaient des pertes à un niveau « difficilement soutenable », voire « insoutenable ». Pour autant, et malgré le fait qu’elles aient été mises en difficulté à plusieurs reprises et que les insurgés gagnaient du terrain, les généraux qui ont commandé la mission de l’Otan « Resolute Support » ont assuré qu’elles progressaient.

Dans un communiqué diffusé le 14 janvier (depuis retiré du site de la mission Resolute Support, le général américain John Nicholson se félicitait d’un « certain nombre de succès » obtenus par les forces afghanes face aux taliban, notamment parce que ces derniers ne s’étaient pas emparés, même provisoirement, de la moindre capitale provinciale en 2017, alors que cela ne faisait pas partie des objectifs de leur offensive de printemps.

Cela étant, le niveau des pertes subies par les forces afghanes se s’est révélé bien supérieur à celui qui avait été jusqu’ici avancé. En novembre, le président afghan, Ashraf Ghani, a en effet avancé le chiffre de 30.000 soldats et policiers tués depuis le début de l’année 2015, c’est à dire après le retrait de la Force internationale d’assistance à la sécurité [ISAF].

D’après les chiffres l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [Sigar], il y avait, au troisième trimestre 2018, 312.328 soldats et policiers afghans déployés dans le pays, soit 9.000 de moins qu’il y a un an. Et cela, a-t-il expliqué, en raison des pertes au combat mais auss des « soldats qui se se sont absentés sans permission ou ont refusé de se réengager. »

S’ajoute à ce tableau l’infiltration des forces afghanes par des taliban, à l’origine d’incidents qualifiés de « green on blue ». Cette année, 85 soldats ont ainsi été tués [de même que trois militaires américains, dont le commandant Brent Taylor, de la Garde nationale des États-Unis].

Lors d’une audition au Congrés pour confirmer sa nomination à la tête de l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, le général Kenneth McKenzie a admis que les pertes des forces afghanes, qui « se battent dur », sont « très élevées ». Et elles « seront intenables si nous ne corrigeons pas ce problème », a-t-il ajouté.

Le général Austin Miller, qui commande désormais la mission Resolute Support ainsi que les forces américaines déployées en Afghanistan, « y accorde toute son attention et si je suis confirmé [à la tête du CENTCOM], c’est une chose sur laquelle je voudrais travailler avec lui en priorité », a fait valoir le général McKenzie.

Quoi qu’il en soit, les forces afghanes ne sont absolument pas en mesure d’assurer seules la défense de leur pays au regard de la situation actuelle. Ce que le général McKenzie a admis devant les sénateurs. « Si nous quittions le pays précipitamment maintenant, je ne pense pas qu'(elles) seraient capables de défendre leur pays », a-t-il dit.

Interrogé sur l’échéance d’un éventuel retrait militaire américain, le général McKenzie a aussi admis qu’il ne savait pas « combien de temps ça allait prendre ». « Je sais qu’ils (les Afghans) travaillent très dur. Je sais qu’ils s’améliorent. Je sais aussi qu’aujourd’hui, il leur serait très difficile de survivre sans notre assistance et celle de nos partenaires de la coalition », a-t-il affirmé. Cela étant, tout dépendra aussi des négociations menées avec le mouvement taleb. Mais pour le moment, elles paraissent sans issue.

Effectivement, l’on voit mal comme les forces afghanes pourraient se débrouiller seules, sachant qu’elles ont eu besoin du soutien américain pour reprendre des capitales provinciales ayant fait l’objet d’une offensive talibane, comme à Farah ou, récemment, à Ghazni.

Un chiffre résume tout : celui des munitions utilisées par l’aviation américaine en Afghanistan au cours des 10 premiers mois de 2018. D’après les données de l’AFCENT [.pdf], 5.982 bombes ont été « consommées ». Ce qui représente un niveau supérieur à celui constaté en 2011, année durant laquelle l’activité aérienne avait été la plus intense du conflit, avec plus de 5.400 bombes larguées.

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