Suspicion d’une nouvelle attaque chimique en Syrie
Le 24 novembre, plusieurs dizaines de personnes atteintes de troubles respiratoires ont été hospitalisées après une attaque aux « gaz toxiques » contre trois quartiers de la ville d’Alep, contrôlée par le régime syrien depuis décembre 2016.
Ainsi, les médias syriens d’État ont rapporté « 107 cas de suffocation », après avoir évoqué une cinquantaine de blessés. Une estimation relativement proche de celle avancée par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], lequel a parlé de « 94 cas de suffocation. » Et d’ajouter : « Ils ont été soignés et la majorité sont sortis. Il y a toujours 31 cas dans les hôpitaux mais leur état n’est pas critique. »
Les informateurs de l’OSDH ont également évoqué une « odeur de gaz de chlore » après cette attaque. Quand à l’agence officielle syrienne SANA, citant le chef de la police d’Alep, Essam al-Chili, elle a affirmé que des « groupes terroristes ont visé les quartiers résidentiels de la ville avec des roquettes contenant des gaz toxiques, entraînant des cas de suffocation parmi les civils. »
Si la ville d’Alep est controlée par les autorités syriennes, ce n’est pas forcément le cas de sa périphérie, des secteurs situés à l’ouest étant encore disputés par des groupes rebelles et jihadistes,
lesquels tiennent toujours la province voisine d’Idleb.
« Nous démentons les allégations mensongères du régime sur une attaque contre Alep qui aurait été menée par les révolutionnaires à l’aide de projectiles, encore plus à l’aide de projectiles contenant du gaz de chlore », a réagi Naji Moustapha, le porte-parole de la coalition rebelle du Front national de libération, présent dans les provinces d’Alep et d’Idleb.
À Moscou, le ministère de la Défense a accusé des « groupes terroristes » d’avoir tiré, avec des lance-grenades, des munitions « contenant apparemment du chlore ». Et d’ajouter que les auteurs de ces tirs se trouvaient dans « la zone tampon d’Idleb contrôlée par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham [ex-Front al-Nosra, ndlr]. »
En outre, a-t-il poursuivi, des « chimistes militaires russes sont arrivés dans cette région pour porter assistance aux victimes et évaluer la situation », après avoir indiqué que « 46 personnes, dont 8 enfants, [avaient] souffert d’exposition aux produits chimiques et ont été hospitalisées. »
Par la suite, les forces aériennes russes basées en Syrie ont frappé les positions d’où fut menée l’attaque chimique présumée contre Alep, c’est à dire, selon Moscou, dans le nord de la zone démilitarisée d’Idleb, laquelle avait été mise en place dans le cadre d’une entente avec Ankara, en septembre dernier. D’où, d’ailleurs, ont indiqué les autorités turques, un entretien entre les ministres de la Défense russe et turc « évoquer les dernières provocations qui […] visent à nuire à l’accord. »
Pour le moment, aucune enquête internationale n’a été exigée au sujet de cette attaque chimique présumée, à la différence de celle d’avril dernier, à la Goutha orientale. Attribuée au régime de Bachar el-Assad, la Russie avait pourtant proposé un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies pour demander des investigations sur le terrain. Les États-Unis en avaient fait de même mais leur texte contenait des dispositions « inacceptables » pour Moscou.
Pour rappel, en novembre 2017; la Russie avait refusé de reconduire le mandat du Joint Investigative Mechanism (JIM), c’est à dire le groupe d’experts des Nations unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] chargé d’enquêter sur l’usage d’armes chimiques en Syrie.
Interrogé sur l’attaque chimique présumée d’Alep lors d’une conférence de presse organisée à l’issue d’un sommet européen spécial sur le Brexit, à Bruxelles, le 25 novembre, le président Macron a déclaré que la France ne disposant pas « d’informations claires et suffisantes pour faire un commentaire. »
« La France condamne évidemment l’utilisation d’armes chimiques […] et je souhaite que ceux qui diffusent ces informations sur cette possible utilisation d’armes chimiques [à Alep] partagent leurs informations, en particulier avec l’agence internationale à La Haye pour pouvoir identifier cette utilisation et l’attribuer », a ajouté M. Macron, en faisant référence à l’OIAC.
Justement, la Russie s’oppose à ce que cette organisation puisse disposer de pouvoirs renforcés, comme la capacité de désigner l’auteur d’une attaque chimique et non plus seulement à documenter l’utilisation de telles armes.
« La norme internationale contre l’utilisation d’armes chimiques a été mise à rude épreuve » et leur « utilisation répétée pose un défi qui doit être relevé avec une résolution forte et unifiée », avait fait valoir Fernando Arias, le nouveau directeur de l’OIAC, le 19 novembre.
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