Le ministère des Armées mise sur VerDi pour faire la chasse aux « fausses nouvelles »
En septembre, le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie [CAPS] du ministère des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire [IRSEM] ont publié un copieux rapport sur le phénomène des « fausses informations« , encore appelées « Infox » ou « fake news », dont il est beaucoup question actuellement. Pour les auteurs de ce document, il conviendrait de parler de « manipulation de l’information » par des acteurs étatiques ou non en vue d’influencer l’opinion publique d’un pays tiers.
Usine à « trolls », complicité de médias d’État, chaîne de blogs, fuites massives de documents parmi lesquels des faux sont glissés, caisse de résonance des réseaux sociaux… Tels sont les outils de cette « guerre informationnelle« . D’autres, comme ceux consistant à truquer des vidéos et de faire dire n’importe quoi à une personnalité publique, seront encore plus redoutables.
Le 20 novembre, le Parlement a adopté, dans la difficulté, une loi anti-infox, afin d’éviter toute interférences extérieures dans les processus électoraux. Ainsi, un candidat pourra saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses nouvelles le concernant dans les trois mois précédant un scrutin national tandis que les plateformes numériques devront faire preuve de davantage de transparence sur la diffusion de contenus contre rémunération. Enfin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel [CSA] pourra suspendre la diffision de chaînes de télévision contrôlées par « un État étranger » si elles diffusent « de façon délibérée de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin. »
Cela étant, ces fausses nouvelles ne concernent pas seulement les élections… Les forces françaises peuvent aussi en faire les frais, notamment lors des opérations dans lesquelles elles sont engagées. D’où l’intérêt de la Direction générale de l’armement [DGA] pour VerDI, une solution développée par la start-up Storyzy, via le dispositif RAPID [Régime d’APpui à l’Innovation Duale] et en partenariat avec la Direction générale des entreprises [DGE].
L’idée de Storyzy n’est pas tant de traquer l’infox que les sites qui en sont à l’origine. « La plupart de ces sites sont financés par la publicité. Leur contenu, parce qu’il est sensationnel, génère du « clic », donc de l’argent », explique Pierre-Albert Ruquier, directeur marketing à Storyzy. Pour les annonceurs, cela peut poser un sérieux problème d’image et de crédibilité.
Le directeur technique de la start-up, Ramòn Ruti, a donné un exemple, dans un article publié par le ministère des Armées. « Une publicité ‘Gendarmerie recrute’ qui s’affiche sur un site complotiste mettant en cause le gouvernement français dans les attentats de Nice, c’est déjà arrivé et c’est problématique », a-t-il dit.
Aussi, la technologie VerDi, commercialisée depuis septembre 2017, s’adresse aux annonceurs. Basée sur le traitement automatique des langues et l’intelligence artificielle, cette solution vise à « couper les vivres » aux sites propageant des infox, en leur coupant l’accès à la publicité « programmatique ».
« Notre outil est en fait une gigantesque base de données, régulièrement mise à jour, en français et en anglais, de plus de 5.000 sites classés en dix catégories […] Pour l’alimenter, nous utilisons un algorithme qui extrait les citations de personnalités publiques rapportées par des sites web et qui les analyse et les compare entre elles. On se rend compte, in fine, que certaines ne sont partagées que par des sources identifiées fake news, que d’autres ont été tronquées ou utilisées dans un mauvais contexte », explique M. Ruti.
Cela étant, la propagation d’infox n’est pas le seul fait de sites propagandistes, conspirationnistes et autres… Ainsi, des internautes lambda peuvent en diffuser via leurs comptes personnels ou des pages qu’ils ont créées sur les réseaux sociaux. Inutile de chercher à « leur couper les vivres » puisqu’ils ne perçoivent aucune rémunération de la part de ces plateformes.
L’actualité récente, en lien avec le mouvement des gilets jaunes, a fourni plusieurs exemples. Ainsi, il a été affirmé que le président français disposait de trois avions gouvernementaux (dont un A-330 et 2 A-310-200) pour ses déplacement à l’étranger alors que la chancelière allemande voyagerait à bord d’avions commerciaux. Or, Mme Merkel a, à sa disposition, deux Airbus A-340, deux Airbus A-319 et 4 Bombardier Global Express 5000… Donc, elle n’a rien à envier à M. Macron sur ce plan là.
Le quotidien 20Minutes a donné une liste d’infox concernant l’armée de Terre, toujours en lien avec le mouvement des gilets jaunes. Sur Facebook, des photographies montrant des véhicules militaires ont ainsi servi à certains pour affirmer que le gouvernement avait envoyé des « unités blindées » à Paris en prévision de la mobilisation du 17 novembre… Alors qu’il s’agissait de VBCI qui effectuaient une liaison entre un camp militaire et leur garnison.
Aussi, assure Storyzy, VerDi pourrait également servir à identifier les « communautés qui partagent des fake news sur les réseaux sociaux », d’autant plus que « certains de ces groupes controversés représentent des points d’entrée vers une radicalisation. » Selon Albert Ruquier, cette technologie « permettrait de savoir qui diffuse quoi et auprès de qui, pour pouvoir mieux identifier les personnes à risque et leur parcours. » De quoi intéresser les services de renseignement et les acteurs de la cyberdéfense…