Migrants/Méditerranée : L’opération navale européenne « Sophia » risque de ne pas être prolongée

Au moment de son lancement par l’Union européenne, en juin 2015, l’opération navale EUNAVFOR « Sophia » avait l’objectif de « casser » le modèle économique des passeurs de migrants opérant depuis la Libye. Mais cela ne fut qu’un voeu pieux, faute de pouvoir intervenir dans les eaux territoriales libyennes…

Seulement, les trafiquants ne manquèrent pas de s’adapter au déploiement de navires de guerre européens en Méditerranée centrale, ces derniers étant tenus, par le droit de la mer, à porter assistance à toute personne se trouvant en difficulté. Ainsi, les passeurs firent embarquer les migrants sur des embarcations de fortune, avec juste assez de carburant pour franchir la limite des eaux territoriales libyennes.

Aussi, une autre mission fut confiée à l’opération Sophia : celle de former les gardes-côtes libyens afin de leur permettre d’intervenir au plus près des côtes libyennes. Cette nouvelle approche donna des résultats : le nombre de migrants débarqués en Italie diminua de 78% au cours du premier semestre 2018 par rapport à la même période, en 2017. Pour autant, cela ne mit pas fin au flux migratoire.

Fin août, Rome exigea une « rotation des ports de débarquement » des migrants recueillis en mer. « Notre objectif est de faire en sorte que l’Italie ne soit pas seule à prendre le problème en charge, mais aussi les autres États membres », expliqua, à l’époque, Elisabetta Trenta, la ministre italienne de la Défense.

Seulement, les « autres États membres » évoqués par Mme Trenta, c’est à dire ceux ayant une façade donnant sur la Méditerranée, refusèrent en vertu du droit européen, qui exige que les migrants doivent d’abord transiter par « le port le plus proche », avant d’être éventuellement pris en charge par un autre État membre.

Depuis, cette question n’a pas été réglée. Et cela menace donc la prolongation de l’opération EUNAVFOR Sophia, et donc le programme européen en faveur des gardes-côtes libyens, ainsi que la lutte contre la contrebande d’armes et de pétrole [libyen] en Méditerranée.

La réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’UE, ces 19 et 20 novembre, aurait pu permettre de trouver un accord sur la question de l’accueil des migrants. Mais cela n’a pas été le cas. Aussi, Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a posé un ultimatum : « Soit les pays trouvent une solution intérimaire sur les ports de débarquement » des migrants sauvés [par les navires européens, ndlr], soit nous devrons arrêter la mission » le 31 décembre, a-t-elle lancé. « Je suis convaincu qu’il y a un espace pour une solution si tout le monde réalise ce qu’il risque de perdre », a-t-elle ajouté.

Qui plus est, à l’heure où il est question de renforcer l’autonomie européenne en matière de défense, l’arrêt de cette opération en raison de désaccords internes n’enverrait pas un bon signal, d’après Mme Mogherini.

Actuellement, l’opération EUNAVFOR Sophia mobilise quatre navires (dont l’aviso « Enseigne de vaisseau Jacoubet » de la Marine nationale), trois avions de surveillance maritime et deux hélicoptères. Le 8 octobre dernier, elle a accueilli une nouvelle promotion de gardes-côtes libyens à La Maddalena [Italie]. Leur formation doit prendre fin le 30 novembre prochain.

Photo : Aviso « Enseigne de vaisseau Jacoubet » (c) Marine nationale

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