L’armée française a-t-elle cherché à cacher ses pertes subies le jour de l’armistice du 11-Novembre 1918?

En cette semaine de commémoration du centenaire de la fin de la Grande Guerre, la presse dans son ensemble a publié plusieurs articles assurant que le dernier combattant français tué au combat aura été le soldat de 1ere classe Augustin Trébuchon. Cet agent de liaison du 415e Régiment d’Infanterie [RI] aurait été tué le 11 novembre 1918, peu avant l’annonce de l’arrêt des combats, à Vrigne-Meuse [Ardennes] alors qu’il portait un message dont la nature différe selon les témoignages.

Seulement, la fiche établie par l’armée après le décès de ce soldat fixe la date de sa mort au 10 novembre 1918. Ce que confirme l’historique du 415e RI, certes publié après l’armistice. Et les journal de marche et d’opérations du régiment ainsi que celui de son service de santé, ne donne aucune précision sur les circonstances dans lesquelles le soldat Trébuchon a perdu la vie.

En réalité, la mort de cet agent de liaison a été rapportée par des témoignages, dont celui du chef de corps du 415e RI, le colonel Charles de Menditte, qui l’a relatée dans ses carnets et ceux de deux de ses camarades. Comment expliquer, alors, la raison pour laquelle le décès du soldat Trébuchon a été notifiée le 10 et non pas le 11 novembre?

L’explication reprise par l’ensemble de la presse est que l’armée a voulu cacher les pertes qu’elle avait subies le jour de l’annonce de l’armistice parce qu’elles auraient fait « mauvais effet ». Or, la consultation de la base de données du site « Mémoire des hommes », qui contient l’ensemble des noms des soldats morts pour la France durant la Première Guerre Mondiale, montre que cela n’est pas tout à fait exact.

Ainsi, l’on trouve que que 27 soldats français sont morts le 11 novembre 1918 dans le département des Ardennes, celui où le soldat Trébuchon a été tué. Certains sont décédés des suites des blessures qu’ils avaient reçues précédemment. Mais d’autres ont été tués au combat. Tel est le cas, par exemple, de l’aspirant Auguste Laurent, « tué à l’ennemi » à Vrigne-Meuse, ou encore celui du soldat Pierre Gibault, du 94e RI. En outre, des cavaliers du 8e Régiment de Cuirassiers à pied sont morts noyés en franchissant la Meuse, sous le feu ennemi, mais dans la nuit du 10 au 11 novembre, soit proabablement avant la signature de l’armistice, à 5h15.

Par ailleurs, l’historien René Richard, de l’association « Bretagne 14-18 », a découvert que le soldat Auguste Joseph Renault a été tué à Robechies [Belgique] le 11 novembre 1918, à… 10H58, soit deux minutes avant l’annonce de l’armistice, « peut-être même par un obus français. » La fiche du soldat Renault porte cependant la mention « tué à l’ennemi ».

Aussi, si l’armée française avait vraiment voulu cacher ses pertes subies le 11 novembre 1918 en modifiant la date du décès du soldat Trébuchon, pourquoi n’en a-t-elle pas fait autant pour les autres « Poilus »?

Cela étant, toujours selon la base de données du site « Mémoire des Hommes », 614 soldats français sont morts le jour où l’armistice a été proclamé, le plus souvent des suites de leurs blessures, ou de maladies.

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