« L’opération Sentinelle I a laissé beaucoup de traces », admet le chef d’état-major de l’armée de Terre
Lancée après les attentats de janvier 2015, l’opération intérieure Sentinelle, confiée pour une large partie à l’armée de Terre, n’aura pas été sans conséquences. D’abord sur le moral des militaires, un rapport parlementaire publié quelques mois plus tard ayant alerté sur le risque de « lassitude grave » dans leurs rangs.
« L’ancrage de Sentinelle dans le quotidien […] pourrait alimenter un sentiment de dénaturation du métier militaire et de faible légitimité de la mission » ce qui, « à courte échéance, pourrait conduire à un certain mécontentement », prévenait ce document, qui citait également un « sentiment de dénaturation du métier militaire » et la « faible légitimité de la mission » ainsi que les « conditions de vie sur les lieux d’hébergement ».
L’opération Sentinelle a également eu des effets sur la préparation opérationnelle de soldat, par ailleurs déjà sur-sollicités dans l’attente de l’arrivée des 11.000 recrues promise à l’époque pour renforcer la Force opérationnelle terrestre. Ainsi, durant les premiers mois de l’année 2015, 70 % des rotations dans les centres d’entraînement spécifiques furent annulées…
Depuis septembre 2017, le dispositif de l’opération Sentinelle a évolué, de façon à ce qu’il soit plus « mobile et imprévisible » et selon trois niveaux (un échelon permanent, un échelon de renforcement planifié et une réserve stratégique de 3.000 soldats appelés à intervenir si besoin).
Cela étant, lors de son audition par les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, dans le cadre de l’examen du budget des Armées pour 2019, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Jean-Pierre Bosser, a admis que « Sentinelle I a laissé beaucoup de traces », notamment sur la capacité opérationnelle de ses soldats. Notamment parce que, a-t-il expliqué, cette opération « a fonctionné avec des modes d’action très statiques particulièrement pénibles pour nos soldats » et « on était beaucoup plus proche des modes d’action de sécurité intérieure que de ceux que peuvent mener des forces militaires. »
« Heureusement, l’évolution vers Sentinelle II a permis des modes d’action plus dynamiques et de réduire la facture en effectifs immédiatement déployés tout en maintenant un volume en alerte sur court préavis. Nous avons d’ailleurs vécu trois ‘surges’ à 10 000 hommes », a poursuivi le CEMAT.
Pour autant, ce dernier envisage une nouvelle évolution du dispositif « Sentinelle ».
« Je m’interroge, un an après la mise en oeuvre de ce Sentinelle rénové, sur le visage que pourrait prendre Sentinelle III, pour deux raisons : d’abord parce que la menace diminue – et si les services de renseignement confirment cette situation, je pense que le moment est venu de ne pas inscrire Sentinelle dans une sorte de plan ‘Vigipirate’ permanent – et ensuite parce qu’il est encore possible de faire évoluer nos modes d’action », a expliqué le général Bosser.
Aussi, l’enjeu sera de diminuer les effectifs engagés dans Sentinelle tout en cherchant à accroître la « visibilité » des militaires sur le territoire national.
« Deux choses me paraissent importantes sur Sentinelle : d’une part la manière dont on se présente sur le territoire national, en termes d’action, d’autre part, la visibilité que l’on veut donner de nos soldats, vis-à-vis des Français ou de nos adversaires potentiels », a en effet affirmé le général Bosser.
Pour lui, le fait que la venue de touristes étrangers à Paris ait retrouvé le niveau qui était le sien avant les attentats de 2015 serait en partie lié « à la place des soldats déployés » dans les rues parisiennes. D’où l’importance de cette visibilité ».
« D’ici quelques semaines, je proposerai à la ministre un projet de Sentinelle III, pour accroitre la visibilité de la force armée sur le territoire, tout en baissant sa présence », a précisé le général Bosser. « Peut-être faudra-il revenir à des exercices en terrain libre, pour entretenir cette relation avec les Français? », s’est-il demandé.