Menacées par la Turquie, les Forces démocratiques syriennes suspendent leur offensive contre l’EI à Hajine

La coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis devra s’armer de patience pour voir la fin du « califat physique » auto-proclamé en juillet 2014 par Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique [EI ou Daesh]. En effet, pour la Turquie, le combat contre l’organisation jihadiste n’est pas la priorité du moment (mais l’a-t-elle déjà été seulement?).

D’où les préparatifs d’une nouvelle opération militaire que les autorités turques s’apprêtent à lancer dans le nord de la Syrie contre les Unités de protection du peuple [YPG], qu’elles qualifient de « terroristes », en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK], à l’origine d’une sanglante rébellion en Turquie.

Or, les YPG font partie, avec des groupes arabes armés, des Forces démocratiques syriennes [FDS]. Appuyées par la coalition anti-jihadiste, ces dernières conduisent, depuis septembre, la dernière phase de l’opération « Roundup », qui vise à réduire les dernières positions occupées par Daesh à Hajine, sur la rive orientale de l’Euphrate, dans la province syrienne de Deir ez-Zor.

Ces derniers jours, les FDS ont subi une succession de revers face à l’EI, qui a profité des conditions météorologiques pour contre-attaquer et desserrer ainsi l’étau autour de Hajine, localité vers laquelle la progression avait été jusqu’alors fortement ralentie par les innombrables mines et autres engins explosifs improvisés disséminés par les jihadistes. Pour reprendre l’initiative, les FDS avaient récemment décidé de déployer des unités plus aguerries.

Seulement, et comme l’on s’y attendait, l’opération Roundup a été suspendue, le 31 octobre, suite à une déclaration faite la veille par le président turc, Recep Tayyip Erdogan. « Nous allons détruire la structure terroriste à l’est de l’Euphrate. Nous avons terminé nos préparatifs, nos plans et nos programmes à ce sujet », avait en effet affirmé ce dernier. Et d’ajouter : « Nous avons commencé il y a quelques jours notre intervention contre cette organisation terroriste. […] Bientôt, il y aura des opérations plus efficaces et de plus grande ampleur. »

Depuis quelques jours, l’artillerie turque bombarde les positions des YPG dans le secteur de Kobanê, ville où elles remportèrent une difficile victoire militaire contre l’EI…

« Chaque fois que la Turquie voit que la situation en Syrie évolue vers une stabilité et une solution politique, elle menace l’est de l’Euphrate et les régions du nord de la Syrie », a réagi Nouri Mahmoud, le porte-parole des YPG. « Les Unités de protection du peuple réagiront à toute menace ou attaque », a-t-il prévenu.

Quoi qu’il en soit, devant l’imminence d’une nouvelle intervention militaire turque, les FDS ont donc annoncé la suspension de leur offensive contre Daesh à Hajine.

« Cette coordination directe entre les attaques de l’armée turque et celles de l’EI contre nos forces nous a amenés à un arrêt temporaire de la bataille » contre « le dernier bastion de l’organisation terroriste », ont expliqué les FDS, via un communiqué. « La poursuite de ces attaques entraînera un arrêt prolongé de notre opération militaire », ont-elles prévenu.

Du côté de la coalition anti-jihadiste, la perspective d’une nouvelle opération turque dans le nord de la Syrie (qui serait la troisième depuis août 2016) inquiète. « Des frappes militaires unilatérales dans le nord-ouest de la Syrie, d’où qu’elles viennent, surtout alors que du personnel américain pourrait être présent (sur place) ou dans les alentours, nous préoccupent grandement », a admis Robert Palladino, un porte-parole du département d’État. « La coordination et la consultation entre les États-Unis et la Turquie sur des questions de sécurité est une meilleure approche », a-t-il ajouté. Au passage, la France est elle-aussi directement concernée dans la mesure où elle a aussi déployé des forces spéciales dans la région.

Si elle avait permis de chasser l’EI des localités qu’il tenait près de la frontière turco-syrienne, la première opération turque, appelée « Bouclier de l’Euphrate » et menée avec des groupes rebelles syriens soutenus par Ankara, avait aussi pour objectif d’empêcher les Kurdes syriens de disposer d’une continuité territoriale dans le nord de la Syrie, en réunissant les cantons situés de part et d’autre de l’Euphrate.

La seconde offensive, appelée « Rameau d’oliver » et lancée en janvier dernier, visa particulièrement les milices kurdes syriennes puisque son objectif affiché était de les chasser du canton d’Afrin. Cela avait d’ailleurs compliqué la conduite des opérations contre l’EI dans la province de Deir ez-Zor. Un rapport des Nations unies, publié en août, en a décrit les conséquences, non sans prendre des précautions « diplomatiques ».

« Il se peut que la stabilisation temporaire des positions militaires du groupe dans l’est de la République arabe syrienne au début de l’année 2018 [donc au moment de l’opération turque à Afrin, ndlr] ait encouragé un nombre non négligeable de combattants terroristes étrangers à rester dans la zone de conflit », y lit-on.

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