Leur offensive anti-EI bloquée à Hajine, les milices kurdes syriennes ont de nouveau été visées par l’artillerie turque

Le soutien américain aux Unités de protection du peuple [YPG], c’est à dire les milices kurdes qui, au sein des Forces démocratiques syriennes [FDS], sont en première ligne face à l’État islamique [EI ou Daesh], est l’un des contentieux entre Ankara et Washington.

En effet, ces milices kurdes sont liées au Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK], à l’origine d’une sanglante rébellion en Turquie. D’où l’attitude turque… qui n’est pas sans conséquence sur les opérations menées par la coalition dirigée par les États-Unis contre l’organisation jihadiste.

Ainsi, l’hiver dernier, l’opération « Rameau d’Olivier », lancée par des groupes rebelles syriens, appuyés par la Turquie, contre l’enclave kurde d’Afrin, dans le nord de la Syrie, a grandement compliqué les actions contre les derniers bastions encore tenus par l’EI sur la rive orientale de l’Euphrate, dans la province syrienne de Deir ez-Zor.

D’ailleurs, l’offensive des FDS qui, appelée Roundup, doit permettre de réduire la poche d’Hajine et de mettre un terme au « califat physique » autoproclamé par l’EI, connaît actuellement de grandes difficultés.

Dans la semaine du 13 octobre, profitant des mauvaises conditions météorologiques (vents de sable) ayant compliqué les opérations aériennes de la coalition, les jihadistes ont lancé plusieurs contre-attaques depuis plusieurs jours. Les dernières ont contraint les FDS à abandonner, en grande partie, le terrain qu’elles avaient jusqu’alors conquis. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], elles auraient perdu environ 70 combattants lors des dernières attaques lancées par l’EI, qui a recours à ses moyens habituels (attentats suicides, voitures piégées, etc).

Signe de l’intensité des combats, les trois CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie] français de la force Chammal ont effectué 17 missions de tir depuis l’Irak en direction d’Hajine au cours de ces derniers jours.

« Nos forces ne connaissent pas la région et ne peuvent pas se déplacer dans des conditions de visibilité nulle », a admis un commandant des FDS, sollicité par l’AFP. « Des renforts militaires et des armes lourdes ont été envoyés sur le front et certaines unités seront remplacées par des unités plus expérimentées. […] Nous lancerons une nouvelle campagne militaire dès que ces renforts seront arrivés », a-t-il ajouté.

Seulement, le déploiement de ces renforts pourrait être rendu plus compliqué par la situation qui prévaut actuellement dans la région de Kobané. Quelques heures après un sommet « Turquie-Russie-France-Allemagne » pour évoquer le dossier syrien et en particulier la trêve – fragile – en vigueur dans la province d’Idleb, l’artillerie turque a bombardé des positions tenues par les YPG sur une colline située près du village de Zur Maghar, sur la rive orientale de l’Euphrate en face de la ville de Jarabulus.

Pour rappel, cette dernière avait été prise à l’EI par des rebelles syriens, soutenus par les forces turques, en 2016, dans le cadre de l’opération « Bouclier de l’Euphrate ».

D’après l’agence Anadolu, l’artillerie turque aurait riposté à des tirs provenant des positions tenues par les YPG. Aucun bilan de ce bombardement n’a été donné, si ce n’est que des sources kurdes ont indiqué que « plusieurs maisons » ont été endommagées.

Les deux précédentes opérations menées par la Turquie – Bouclier de l’Euphrate en 2016/17 et Rameau d’olivier en janvier 2018 – avaient pour objectif d’empêcher les milices kurdes syriennes de disposer d’une continuité territoriale dans le nord de la Syrie, en se focalisant sur la rive occidentale de l’Euphrate. À ce titre, la localité de Manbij, prise à l’EI par les FDS, était l’une des préoccupations d’Ankara. D’où un accord trouvé avec Washington, prévoyant des patrouilles coordonnées entre les forces turques et américaines.

Pour autant, le président turc, Recep Tayyip Erdogan n’a visiblement pas abandonné l’idée de lancer une nouvelle opération dans le nord de la Syrie, cette fois en direction de la rive orientale de l’Euphrate. Ces derniers jours, il a répété cette menace, ayant même lancé un « dernier avertissement » aux milices kurdes syriennes. Or, si Ankara décide une troisième offensive d’envergure contre ces dernières, cela pourrait les conduire à relâcher la pression sur l’EI à Hajine afin de défendre leurs positions dans la région de Kobané.

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