Frictions franco-allemandes au sujet du Système de combat aérien futur?

Ayant fait l’objet d’une lettre d’intention signée en juin dernier, la coopération franco-allemande au sujet du programme de Système de combat aérien futur [SCAF] traverserait une zone de turbulences, à en croire l’hebodmadaire Der Spiegel.

Pour rappel, le SCAF  vise à développer un « système de systèmes » autour d’un avion de combat de nouvelle génération qui, destiné à remplacer les Rafale et les Eurofighter Typhoon à l’horizon 2035/40, devra travailler en réseau avec des drones (UCAV, MALE RPAS) ainsi qu’avec d’autres plateformes (AWACS, ravitailleurs, satellites).

Or, selon l’hebdomadaire allemand, Paris et Berlin peinent à s’entendre sur le potentiel du SCAF à l’exportation. Ce sujet rejoint d’ailleurs la récente « sortie » du président Macron au sujet de l’attitude de certains pays (dont l’Allemagne), qui demandent la suspension des livraisons d’armes vers l’Arabie Saoudite alors qu’eux-mêmes commercent avec Riayd via des co-entreprises ou des filiales.

Ainsi, Der Spiegel a cité un câble diplomatique qui, transmis par l’ambassadeur allemand en poste à Paris, Nikolaus Meyer-Landrut, rend compte d’une réunion de « crise » entre des hauts fonctionnaires des deux gouvernements au sujet du SCAF et d’autres projets menés en coopération, comme le char de combat du futur.

Pour résumer, Paris se préoccupe de la vision restrictive (en théorie) de Berlin en matière d’exportations d’équipements militaires. Or, clarifier ce point serait « essentiel au financement de l’ensemble des projets » et « des garanties à long terme pour l’exportation future des systèmes sont donc indispensables ». Ces propos auraient été tenus par Claire Landais, la secrétaire générale à la Défense et à la Sécurité nationale, lors de la réunion en question, qui a eu lieu le 21 septembre dernier.

Ce qui éclaire les propos de la ministre des Armées, Florence Parly, lors de son dernier passage devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, le 17 octobre.

« Les questions d’exportation sont un sujet important, mais politiquement très sensible en Allemagne. Nous entretenons un dialogue très nourri sur le sujet. Il faut que ces questions soient clarifiées le plus en amont possible. Ces grands projets ont besoin de pouvoir être définis de manière exportable dès l’origine. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur ces questions. Le dialogue se poursuit », a en effet déclaré Mme Parly.

Le Pdg d’Airbus, Tom Enders, est visiblement sur la même longueur d’onde que la partie française. « Berlin ne peut pas réclamer une plus grande coopération européenne dans ses discours du dimanche et ensuite la refuser lorsque des projets se concrétisent », a-t-il lancé dans les colonnes de Der Spiegel.

La garantie de pouvoir exporter ces futurs équipements ne serait pas le seul point de friction entre Paris et Berlin : le partage des tâches poserait également problème. S’il est acquis que la conception du futur avion de combat autour duquel tournera le SCAF reviendra à Dassault Aviation, l’architecture du système fait débat. Dans un entretien récemment donné à La Tribune, Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space [ADS] en a revendiqué le « leadership ». Ce qui n’est pas, visiblement, du goût des autorités françaises.

Par ailleurs, il se pose aussi, en Allemagne, la question du remplacement des Panavia Tornado d’ici 2025. Et elle pourrait être cruciale pour l’avenir du SCAF. Pour le moment, Berlin pencherait pour commander des Eurofighter Typhoon supplémentaires… À la condition qu’ils puissent être en mesure de mettre en oeuvre les bombes nucléaires tactiques B-61 américaines, au titre de la dissuasion de l’Otan. Le F-35 étant prioritaire dans les plans américains, rien ne dit que cela sera effectivement le cas.

Politiquement (et le choix d’un avion de combat est aussi une question politique), Berlin aurait au moins deux avantages à choisir le F-35A, qui équipera plusieurs forces aériennes européennes. Le premier consisterait à chercher des mutualisations avec les membres de l’Otan qui en seront dotés (comme les Pays-Bas par exemple). Le second permettrait au gouvernement allemand de se réconcilier avec l’exécutif américain, notamment avec le président Trump, qui n’a pas ménagé ses critiques à son endroit, en raison de la faiblesse de ses dépenses militaires.

Photo : Naval Group

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