Une ONG reproche à la France de livrer des armes à l’Égypte, malgré la menace jihadiste

Dans la présentation d’une « enquête » publiée le 16 octobre, Amnesty International a reproché à la France de livrer à l’Égypte des armes qui serviraient à réprimer les opposants au gouvernement égyptien. Seulement, il y aurait beaucoup à dire sur les faits tels qu’ils ont été présentés par l’ONG, qui, de surcroît, a lancé une campagne pour que Paris cesse d’équiper les forces armées égyptiennes.

À noter que la version en langue anglaise de ce rapport est beaucoup plus virulente que celle en français dans la mesure où la France est accusée, ni plus ni moins, de « bafouer le droit international ».

Pour étayer son dossier à charge, Amnesty International remonte à l’été 2013, époque où l’ex-président Morsi, issu des Frères musulmans, fut destitué par l’armée égyptienne, avec le général Abdel Fattah al-Sissi à la manoeuvre. Et d’affirmer que des munitions et des blindés français furent « au cœur de la répression sanglante des manifestations. »

Ce qui est exact puisque des véhicules Sherpa, livrés en 2012, furent engagés par les forces de sécurité égyptienne. S’agissant des munitions évoquées, l’on ne peut qu’être circonspect : les efforts pour remettre sur les rails une filière françaises de munitions de petits calibres ayant échoué.

Puis, l’ONG souligne que les ventes d’armes françaises à l’Égypte n’ont cessé de prendre de l’ampleur à partir de 2014. Et cela, en contradiction avec une décision prise quelques mois plus tôt par les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne de ne plus accorder au autorités égyptiennes de « licences d’exportation pour les équipements pouvant être utilisés dans le cadre de la répression interne. »

Or, si les ventes de matériels militaires français à l’Égypte ont progressé significativement depuis l’arrivée d’Abdel Fattah al-Sissi au pouvoir, c’est que plusieurs contrats ont été signés : commande de 24 avions Rafale, de corvettes Gowind, d’une frégate multimissions et des deux Bâtiments de projection et de commandement [BPC] initialement destinés à la Russie. L’ONG considère-t-elle ces équipements comme pouvant servir à la « répression interne »?

En outre, la France n’est pas la seule à livrer des armes à l’Égypte. La Russie, les États-Unis et l’Allemagne également. Pour autant, seules les ventes de Rafale et de FREMM semblent susciter le courroux de l’ONG. Et l’on se demande bien pourquoi… d’autant plus que, en 2015, l’administration Obama a levé les restrictions sur les livraisons d’armes aux forces égyptiennes qu’elle avait imposées deux ans plus tôt… Et que d’autres contrats sont en cours de négociation (à ce sujet, l’allemand TKMS aimerait bien détrôner le français Naval Group pour livrer des frégates à la marine égyptienne).

Par ailleurs, l’Égypte est aux prises avec une double menace jihadiste : à l’ouest, avec la présence d’éléments terroristes en Libye, et à l’est, précisément au Sinaï, avec la branche égyptienne de l’État islamique. Ce qui justifie, aux yeux de Paris, la livraison d’armes au Caire, ainsi que le renforcement des relations militaires bilatérales.

Dans son rapport, qui évoque aussi l’utilisation de véhicules et d’avions F-16 américains dans les opérations anti-terroristes égyptiennes (sans pour autant incriminer Washington), Amnesty International évoque cette menace jihadiste et rappelle même que, depuis 2013, 700 policiers et militaires ont perdu la vie lors d’attaques terroristes.

Mais, affirme-t-elle, « le gouvernement égyptien se sert de telles menaces pour la sécurité comme prétexte pour réprimer celles et ceux qui, pacifiquement, s’opposent à sa politique, la critiquent ou défendent les droits humains, tout en affirmant au reste du monde qu’il combat le terrorisme sur son territoire et dans la région, afin de rétablir la sécurité après des années de troubles dans le pays. »

Le document en question ne dit pas un mot sur l’attentat contre la mosquée soufie de Bir al-Abed, en novembre 2017 (300 tués), ni sur les attaques dont ont été victimes les chrétiens coptes. Dans une note en bas de page, cependant, Amnesty International dit condamner « sans réserve toute attaque ciblant des civils, et demande que soient traduits en justice les responsables de ces attentats. »

Reste que, le 16 octobre, soit le même jour de la publication de l’enquête menée par l’ONG, l’armée égyptienne a indiqué avoir tué 450 jihadistes dans la péninsule du Sinaï, dans le cadre d’une opération antiterroriste lancée en février dernier contre l’État islamique. Dans le même temps, une trentaine de soldats égyptiens y ont laissé la vie.

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