L’ex-président Hollande relance la polémique en Inde au sujet de l’achat de 36 avions Rafale

En septembre 2016, et après plus d’un an de négociations, l’Inde commanda à la France 36 avions de combat Rafale « sur étagère » afin de répondre aux besoins opérationnels urgents de la force aérienne indienne. La valeur du contrat, qui concernait aussi d’autres prestations (formation, soutien) et des munitions (comme le missile air-air longue portée Meteor), était alors estimé à 7,8 milliards d’euros.

Dans la cadre de la politique « Make in India » portée par le gouvernement de Narendra Modi, des compensations industrielles, hauteur de 50% du montant du contrat, devaient être accordées à l’Inde. Pour cela, Dassault Aviation noua un partenariat avec l’entreprise indienne Reliance Defence.

Cette commande fut décidée après l’abandon de l’appel d’offres MMRCA [Medium Multi-Role Combat Aircraft], pour lequel le Rafale fut sélectionné en 2012 aux dépens de l’Eurofighter Typhoon. Ce programme prévoyait l’acquisition de 126 avions de combat, dont 118 devaient être assemblés par HAL [Hindustan Aeronautic Limited] en Inde. Seulement, le montage industriel fut trop compliqué à mettre en oeuvre et les négociations trainèrent en longueur.

Seulement, le contrat relatif aux 36 Rafale fait l’objet, depuis maintenant plusieurs mois, d’une vive polémique en Inde, sur fond de rivalités politiques en vue des prochaines élections législatives. Ce n’est pas le choix de l’avion de Dassault Aviation qui pose problème mais celui du partenaire industriel du constructeur français.

Ainsi, dans le cadre de ce contrat, l’opposition, incarnée par le Parti du Congrès, soupçonne le gouvernement de M. Modi, issu du Bharatiya Janata Party [Parti du peuple indien], d’avoir favorisé une entreprise « amie », en l’occurrence Reliance Group, aux dépens de HAL. Et, ainsi, d’avoir bénéficié de quelques avantages sonnants et trébuchants. Ces soupçons sont en outre alimentés par le fait que le partenaire de Dassault Aviation a une expérience quasi nulle dans le domaine de l’aéronautique.

Cette affaire ne concernerait uniquement l’Inde si le nom de l’actrice Julie Gayet n’était pas apparu… En effet, Reliance Group aurait partiellement financé, en 2016, le film Tout là-haut » (avec Kev Adams), produit par la comédienne. Or, cette dernière est aussi la compagne de l’ex-président François Hollande, qui était donc à la manoeuvre au moment de la signature du contrat « Rafale ». D’où le soupçon d’un « conflit d’intérêt ».

« C’est le gouvernement indien qui a proposé ce groupe de services et Dassault qui a négocié avec Ambani [le Pdg de Reliance Group, ndlr] », s’est défendu M. Hollande, dans les colonnes de Médiapart, le 21 septembre. « Nous n’avons pas eu le choix, nous avons pris l’interlocuteur qui nous a été donné », a-t-il insisté.

« C’est pourquoi, par ailleurs, ce groupe n’avait pas à me faire quelque grâce quoi que ce soit. Je ne pouvais même pas imaginer qu’il y avait un quelconque lien avec un film de Julie Gayet », a encore fait valoir François Hollande.

Plus tard, sollicité par l’AFP alors qu’il se trouvait au Canada pour donner une conférence, M. Hollande a déclaré que Reliance Group était apparu lors de la « nouvelle formule » des négocations sur l’achat de Rafale. « La France n’a en aucune manière choisi Reliance », a-t-il répété.

« Les autorités françaises n’avaient pas à choisir le partenaire, Dassault s’est retrouvé avec Reliance sans que le gouvernement français ait été consulté (…) Ce sont des partenaires qui se sont choisis eux-mêmes », a-t-il poursuivi, avant de prétendre qu’il n’était pas « au courant » de pressions du gouvernement indien pour imposer un partenariant entre Reliance Group et l’industriel français. « Dassault est seul capable de le dire », a-t-il dit.

Les propos de l’ancien locataire de l’Éysée ont été repris au vol par Rahul Gandhi, le président du Parti du Congrès. « Grâce à François Hollande, nous savons désormais que (Narendra Modi) a personnellement accordé un marché au potentiel de milliards de dollars à un Anil Ambani en faillite », a-t-il réagi, via Twitter. « Le Premier ministre a trahi l’Inde », a-t-il accusé.

Sur le même réseau social, le ministère indien de la Défense a répondu en affirmant que « ni le gouvernement indien ni le gouvernement français n’avaient eu leur mot à dire dans cette décision commerciale ».

Soucieux d’éviter toute implication dans la polémique indienne, le ministère français des Affaires étrangères, dont le « patron », Jean-Yves Le Drian, a été aux premières loges lors des négociations et de la signature du contrat « Rafale » en sa qualité de ministre de la Défense, est allé dans le sens des autorités indiennes, via un communiqué publié le 21 septembre au soir.

Ainsi, le Quai d’Orsay a rappelé que l’accord sur les Rafale portait « sur les seules obligations du gouvernement français de s’assurer de la livraison et de la qualité de cet équipement ». Et d’insister : « Le gouvernement français n’est en aucune façon impliqué dans le choix des partenaires industriels indiens qui ont été, sont ou seront sélectionnés par les industriels français. »

Chose rare, Dassault Aviation a réagi à cette polémique en publiant immédiatement un communiqué pour faire une mise au point.

« Pour s’inscrire dans la politique du Make in India, Dassault Aviation a décidé de conclure un partenariat avec le groupe indien Reliance. Cette décision est le choix de Dassault Aviation, comme l’avait déjà expliqué Eric Trappier (PDG de Dassault Aviation) dans une interview publiée par le journal MINT le 17 avril 2018. Ce partenariat a conduit à la création de la JV Dassault Reliance Aerospace Ltd (DRAL) en février 2017. Dassault Aviation et Reliance ont construit à Nagpur une usine pour produire des pièces de Falcon et de Rafale. Le choix du site de Nagpur a été motivé par la disponibilité de terrains avec accès direct à une piste d’aéroport, condition essentielle à toute activité aéronautique », a ainsi expliqué l’industriel.

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