La Corée du Sud lance le « Dosan Ahn Chang-ho », son premier sous-marin de conception nationale
Certes, la politique commerciale consistant à concéder un transfert de technologies permet de remporter des contrats à l’exportation. Mais sur le long terme, et si elle n’est pas « maîtrisée » sans être accompagnée par un effort conséquent en matière d’innovation, elle peut déboucher sur l’émergence d’un concurrent susceptible d’être plus compétitif. Tel est par exemple le cas de ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) en Corée du Sud.
Vers la fin des années 1980, Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW), une filiale de TKMS, remporta un marché visant à livrer 9 sous-marins à propulsion classique à la marine sud-coréenne, dont la conception était basée sur le type 209, dans le cadre du programme KSS-I. Le premier de la série, appelé « Chang Bogo » fut construit en Allemagne tandis que l’assemblage des suivants fut assuré par Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering. Et, en décembre 2011, l’Indonésie en commanda trois exemplaires auprès de Séoul.
La même logique fut appliquée pour le programme KSS-II, cette fois à partir du sous-marin allemand de Type 2014. Mais aucun des neuf navires prévus ne fut construit en Allemagne, Hyundai Heavy Industries et Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering ayant été chargés de les assembler.
Résultat : les constructeurs navals sud-coréens ont ainsi pu, au fil des années, acquérir quasiment tout le savoir-faire nécessaire pour mettre au point un sous-marin de conception locale. Tel est l’enjeu du programme KSS-III, qui vise à construire 9 sous-marins affichant un déplacement de 3.000 à 3.500 tonnes (soit deux plus que les submersibles allemands).
Le premier de la série, le « Dosan Ahn Chang-ho », du nom d’un héros de l’indépendance sud-coréenne lors de la Seconde Guerre Mondiale, a officiellement été lancé, ce 14 septembre, au chantier naval d’Okpo de Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering, sur l’île de Geoje. Un « bond en avant » pour l’industrie sud-coréenne de défense, s’est félicité le président Moon Jae-in.
Doté d’un système de propulsion anaérobie utilisant de piles à combustible, le « Dosan Ahn Chang-ho », long de 83,3 mètres, sera armé de torpilles lourdes, de missiles antinavires Hongsangeo (dont la mise au point aura été « compliquée ») et de 10 missiles de croisière Hyunmoo-3, grâce au « Korean Vertical Launching System » [K-VLS], un système de lancement verticale de conception nationale.
« Le sous-marin Dosan Ahn Chang-ho est le premier sous-marin de classe moyenne de la marine et a été construit avec une convergence de technologies de pointe », a fait valoir la marine sud-coréenne. « Il s’agit d’un système d’armement stratégique national capable de répondre à toutes les menaces et de renforcer les capacités de défense de la marine », a-t-elle ajouté.
« La Corée du Sud peut désormais fabriquer la plupart des composants clés d’un sous-marins clés (sonar, appareil propulsif, etc) sans l’aide de technologies étrangères. Pour les projets à venir, nous augmenterons le ratio pour mieux contrôler les capacités de notre défense navale », a expliqué un responsable de la DAPA, l’équivalent sud-coréen de la DGA française.
Le fait est : 76% des composants de ce sous-marin, qui coûte 760 millions d’euros, ont été produits en Corée du Sud. Cependant, pour certains éléments spécifiques, Séoul a dû se tourner vers des fournisseurs étrangers pour certains éléments spécifiques. Ainsi, en 2014, le français Safran fut désigné par Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering pour la fourniture d’une nouvelle génération de mâts optroniques, de type « non pénétrant » et basé sur le mât de série 30, qui équipe les sous-marins Scorpène de Naval Group.
Le programme KSS III a deux objectifs. Le premier, rappelé par le président sud-coréen, vise évidemment à renforcer les capacités sous-marines du pays. « Nous avons entamé un grand voyage vers la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Mais la paix n’arrive pas gratuitement. La paix au moyen de la puissance, c’est la stratégie de sécurité inébranlable de ce gouvernement », a affirmé Moon Jae-in, en évoquant les négociations en cours avec Pyongyang.
Le second est économique. Avec ce nouveau navire, Séoul compte percer sur un marché international des sous-marins, qui en pleine expansion, notamment en raison des tensions internationales, en particulier dans la région Indo-Pacifique.
Le « Dosan Ahn Chang-ho » doit être livré à la marine sud-coréenne en décembre 2020 pour une phase d’essais. Sa mise en service ne sera pas prononcée avant janvier 2022.