La ministre des Armées accuse la Russie d’avoir espionné le satellite militaire franco-italien Athena-Fidus

Jusqu’à présent, les autorités françaises n’avaient pas été aussi précises pour évoquer les cas d’espionnage des satellites militaires par des engins « butineurs ».

En avril 2016, alors patron du Commandement interarmées de l’Espace, le général Jean-Daniel Testé, avait révélé, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, qu’un satellite de télécommunication « Syracuse » avait été approché par un « autre objet, de plus petite taille », sans pour autant préciser son origine. « Mais nous avons la certitude que les Russes, les Chinois et les Américains ont mis au point des systèmes destinés à aller observer et écouter au plus près les systèmes spatiaux d’autres pays, ce qui pose de graves questions en termes de sécurité », avait-il avancé.

Deux ans plus tard, son successeur, le général Jean-Pascal Breton ne fut guère plus précis. « Plusieurs de nos satellites ont ainsi été approchés par des objets de type satellites inspecteurs », affirma-t-il, également lors d’une audition parlementaire.

Plus tard, le Directeur du renseignement militaire, le général Jean-François Ferlet, donna quelques détails aux mêmes interlocuteurs. « Grâce à des capteurs qui permettent de surveiller assez finement l’espace, nous savons qu’il s’y passe quelque chose. Aujourd’hui, pour vous donner un exemple très concret, des microsatellites gravitent autour de nos satellites les plus sensibles », avait-il confirmé. Et d’ajouter : « Nous voyons bien que leur cinématique n’est absolument pas normale et qu’elle est suspecte, voire inamicale, de la part de certains pays. » Pour autant, il s’était bien gardé de révéler l’identité de ces « certains pays ».

Lors d’un discours prononcé à l’occasion d’une visite au Centre national des études spatiales (CNES), la ministre des Armées, Florence Parly, a donc mis les pieds dans le plat, si l’on peut dire.

En 2017, a affirmé Mme Parly, « alors qu’Athena-Fidus continuait sa rotation tranquillement au-dessus de la Terre, un satellite s’est approché de lui, de près, d’un peu trop près. De tellement près qu’on aurait vraiment pu croire qu’il tentait de capter nos communications. » Or, a-t-elle continué, « tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical. Cela s’appelle un acte d’espionnage ».

Ensuite, la ministre a donné le nom et l’origine de l’engin qui a approché Athena-Fidus. « Ce satellite aux grandes oreilles s’appelle Loutch-Olimp, c’est un satellite russe bien connu mais un peu… indiscret », a-t-elle révélé.

« Nous l’avions vu arriver, et avons pris les mesures qui s’imposaient. Nous le surveillons attentivement, nous avons d’ailleurs observé qu’il continuait de manoeuvrer activement les mois suivants auprès d’autres cibles, mais demain, qui dit qu’il ne reviendra pas auprès d’un de nos satellites? », s’est inquiété Mme Parly.

« Non, l’espionnage et les actes offensifs, ça n’arrive pas qu’aux autres. Oui, nous sommes en danger, nos communications, nos manoeuvres militaires comme nos quotidiens sont en danger si nous ne réagissons pas », a ensuite prévenu la ministre, avant de souligner que « d’autres très grandes puissances spatiales déploient en orbite des objets intrigants, expérimentent des capacités potentiellement offensives, conduisent des manoeuvres qui ne laissent guère de doutes sur leur vocation agressive ».

Le satellite Loutch/Olimp-K a été lancé en 2014. Officiellement, sa mission est de servir de relais de télécommunication et d’effectuer des écoutes électroniques à des fins militaires. D’après les États-Unis, il aurait également approché les satellites Intelsat, probablement pour capter des images destinées aux forces russes déployées en Syrie.

Quant au satellite Athena-Fidus [Access on theatres for European allied forces nations – French Italian dual use satellite], il a été mis sur orbite par une fusée Ariane 5 en février 2014. Fruit d’une coopération franco-italienne, il fonctionne en bande Ka, ce qui lui donne une capacité de télécommunications à très haut débit.

Pour rappel, lors de son allocution donnée le 13 juillet dans les jardins de l’Hôtel de Brienne, le président Macron a annoncé l’élaboration prochaine d’une « stratégie spatiale de défense ». À l’heure où l’espace tend à devenir de plus en plus un lieu de conflictualité, il a en effet estimé que ce domaine est désormais un « véritable enjeu de sécurité nationale. »

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