Pour le Japon, la Corée du Nord représente toujours une « menace grave et imminente »

Contrairement à l’an passé, cela fait maintenant plusieurs mois que la Corée du Nord n’a plus procédé au moindre tir de missile balistique. En outre, le chef du régime nord-coréen, Kim Jong-un, s’est engagé à oeuvrer à la dénucléarisation de la péninsule coréenne après avoir rencontré successivement, Moon Jae-in, le président sud-coréen, et Donald Trump, le locataire de la Maison Blanche.

Seulement, la question de la sincérité du maître de Pyongyang se pose, même si ce dernier a semblé donner quelques gages, avec le démantèlement du site d’essais nucléaire de Puggye-ri (dont la réalité n’a pas pu être certifiée par des inspecteurs internationaux) et celui de la base de Sohae, d’où furent lancées les fusées Unha et produits des moteurs à combustion liquide qui ne sont plus la priorité des ingénieurs nord-coréens.

Selon le renseignement américain, la Corée du Nord continuerait à produire des matériaux fissiles non seulement sur son complexe nucléaire de Yongbyon mais aussi sur celui, moins connu (mais plus important) de Kangson. Même chose dans le domaine des missiles balistiques, où des activités relatives à ces derniers ont été relevées, grâce à l’imagerie satellitaire, sur les sites de Hamhung et de Sanumdong.

Les estimations du renseignement américain ont été corroborées par un rapport d’un groupe d’experts mandatés par les Nations unies. Selon ce document, Pyongyang n’aurait nullement renoncé à ses ambitions nucléaires tout en contournant allègrement les sanctions imposées par le Conseil de sécurité.

Plus récemment, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé les doutes que l’on pouvait avoir sur les intentions nord-coréennes. « La poursuite et le développement du programme nucléaire de la République démocratique populaire de Corée du Nord sont extrêmement préoccupants », a ainsi affirmé son directeur, Yukiya Amano, dans un rapport.

Bien que ne disposant d’inspecteurs en Corée du Nord, l’AIEA a noté, selon les informations dont elle dispose, que le « cycle opérationnel » du réacteur expérimental se poursuit, de même que la construction d’un réacteur à eau légère et que l’extraction d’uranium sur le site de Pyongsan.

Aussi, l’évaluation faite par le ministère japonais de la Défense sur la menace qui peut représenter la Corée du Nord n’est pas surprenante à la lumière de ces éléments.

« Il n’y a pas de changement dans notre constat de la menace posée par les armes nucléaires et les missiles nord-coréens » à la sécurité du Japon, note en effet le rapport. Et cette menace « sans précédent nuit considérablement à la paix et à la sécurité de la région et de la communauté internationale », insiste-t-il.

S’il prend note du « dialogue » entre Pyongyang, Séoul et Washington, le ministre japonais de la Défense, Itsunori Onodera, estime que l’on ne peut « pas ignorer le fait que, à ce jour, la Corée du Nord possède plusieurs centaines de missiles mettant quasiment l’ensemble du territoire japonais à sa portée. »

Par ailleurs, les discussions entre la Corée du Nord et les États-Unis ne sont pas un long fleuve tranquille. Début août, la diplomatie nord-coréenne a reproché à son homologue américaine son intransigeance au sujet des sanctions alors que Pyongyang a donné des signes de « bonne volonté », ainsi que son « impatience ».

Pour le ministre nord-coréen des Affaires étrangères, Ri Yong Ho, cette « impatience n’aide pas du tout à construire la confiance. Et Surtout quand on avance des exigences unilatérales qui ne vont faire que saper la confiance au lieu de la renouveler. »

En attendant, la visite que devait faire à Pyongyang Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, a été annulée. La raison serait la teneur jugée « belliqueuse » d’une lettre signée par le général nord-coréen Kim Yong-chol.

Quoi qu’il en soit, le Japon devrait maintenir ses dépenses militaires à un niveau élevé. Pour cette année, le budget alloué à ses forces d’autodéfense a atteint un niveau record depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avec plus de 5.000 milliards de yens (plus de 45 milliards de dollars).

Outre la Corée du Nord, le Japon a des relations difficiles avec la Russie, pays avec lequel il n’a toujours pas signé d’accord de paix depuis 1945. Le différend porte sur les îles Kouriles, annexées par l’Union soviétique à la faveur de la capitulation japonaise. Début août, Tokyo a demandé à la partie russe d’y réduire sa présence militaire… Une demande qui est restée lettre-morte.

Mais plus que la Russie, c’est surtout l’attitude de la Chine qui préoccupe les autorités japonaises. Le rapport du ministère de la Défense fait ainsi part de ses « vives inquiétudes » au sujet des ambitions militaires chinoises, d’autant plus que Pékin, souligne-t-il, « tente de modifier le statu-quo par la contrainte » dans la région Indo-Pacifique.

C’est notamment le cas pour Taïwan mais aussi et surtout celui de la mer de Chine méridionale, où Pékin pratique une politique du fait accompli en s’appropriant des îlots pour lesquels ses prétentions « n’ont aucun fondement juridique », comme l’a indiqué, en 2016, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. S’agissant du Japon, le différend porte sur la frontière maritime et l’archipel Senkaku, lequel fait régulièrementl l’objet  de tensions entre les deux pays et qui a motivé la mise en place d’une « Brigade de déploiement rapide amphibie« .

Comme d’habitude, les autorités chinoises ont rejeté les conclusions du rapport japonais, en affirmant que son contenu n’est fait que « d’accusations infondées et irresponsables. »

« Nous espérons que les Japonais n’invoqueront pas toutes sortes d’excuses pour accroître leurs forces militaires, mais qu’ils regarderont plutôt le tableau d’ensemble d’une relation stable avec la Chine », a ainsi rétorqué Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

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