Les tensions entre la Colombie et le Venezuela vont-elles finir par dégénérer?

En mai 2015, le Venezuela fit monter la pression au sujet de l’Essequibo, un territoire riche en pétrole et en ressources minières, qui représente les 2/3 de la superficie du Guyana, avec la publication d’un décret par Caracas revendiquant les eaux territoriales situées en face de cette région.

Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, étant allé jusqu’à traiter son homologue du Guyana, David Granger, de « laquais de l’empire » [américain] pour avoir autorisé ExxonMobil à exploiter un gisement de pétrole dans l’Essquibo, les relations entre les deux pays se dégradèrent très vite, au point qu’une confrontation militaire fut envisagée.

Alors en difficulté, tant sur le plan économique que politique, certains analystes estimèrent, à l’époque, que M. Maduro cherchait le conflit pour sauver son régime, d’autant plus qu’il invoquait « l’unité nationale » face au Guyana, aux capacités militaires très modestes par rapport à son grand voisin. Finalement, les choses se tassèrent…

Pour autant, depuis cette affaire, les difficultés du Venezuela sont allées en s’empirant, avec un inflation estimée à 1.000.000%, une population qui cherche un meilleur avenir ailleurs, une dérive autocratique du régime de M. Maduro. Et les tensions historiques avec la Colombie voisine sont reparties de plus belle. Et, en l’état actuel des choses, l’on ignore où est ce qu’elles s’arrêteront.

La rivalité entre Caracas et Bogota revêt plusieurs aspects. Elle est d’abord historique puisqu’elle remonte à la « Grande Colombie » et, pour schématiser, à l’opposition entre Simon Bolivar et Francisco José de Paula Santander, territoriale, car les deux pays se disputent l’archipel de Los Monjes, idéologique, car le Venezuela reproche à la Colombie sa proximité avec les États-Unis, et sécuritaire.

Sur ce dernier point, Bogota accusa Caracas de soutenir les FARC, la guérilla marxiste. Ce que confirmèrent les informations contenues dans les ordinateurs du chef de cette organisation, Raul Reyes, tué lors de l’opération Phénix, mené par l’armée colombienne en Équateur, en mars 2008. À l’époque, les tensions furent vive, le Venezuela et l’Équateur ayant mobilisé leurs troupes tandis que Hugo Chavez, le président vénézuélien, accusait la Colombie d’être « l’Israël de l’Amérique latine ».

Plus récemment, les autorités vénézuéliennes accusèrent leurs homologues colombiennes de fermer les yeux sur les activés des contrebandiers, et donc de participer à la « guerre économique » contre Caracas.

Mais, avec la crise économique et politique qui secoue le Venezuela, la Colombie est devenue une terre d’accueil : 800.000 Vénézuéliens y ont trouvé refuge, ce qui pose évidemment des problèmes humanitaires (d’où l’annonce, par les États-Unis, de l’envoi d’un navire hôpital dans les eaux colombiennes). Évidemment, cette situation n’a pu qu’accentuer les tensions entre les deux pays.

Et Caracas accuse Bogota d’accueillir l’opposition (voire de l’armer) au régime de Nicolas Maduro. Quand ce dernier n’implique pas le président colombien dans des complots visant à l’éliminer, comme cela a encore été le cas le 4 août dernier, avec cet étrange attentat aux drones.

Aussi, dans ce contexte, une violation territoriale pourrait être l’allumettre qui mettrait le feu aux poudres, d’autant plus que le nouveau président colombien, Ivan Duque, n’a pas du tout l’intention de s’en laisser conter.

Depuis 2015, les autorités colombiennes, comme vénézuéliennes, ont fait état de plusieurs violations de leurs territoires respectifs. Mais la première que M. Duque a officiellement été investi président aurait eu lieu en début de semaine. Ainsi, selon Bogota, deux hélicoptères de la garde nationale du Venezuela, avec 30 soldats à bord, auraient atterri dans la région frontalière de Tibu.

Et cela a motivé une protestation officielle, notifiée à l’ambassadeur du Venezuela en poste à Bogota.

À Caracas, l’on a « fermement » rejeté les accusations colombiennes. « Le Venezuela affirme fermement qu’il n’y a pas eu d’incursion aérienne ou terrestre de toute nature et tout autre acte qui viole la souveraineté nationale de notre pays frère », a fait valoir le ministère vénézuélien des Affaires étrangères

Ce dernier, selon l’agence Europa Press, lie ces « allégations » avec les nouvelles mesures économiques prises par M. Maduro, étant donné que « leur succès constitue une menace mortelle pour les intérêts des mafias colombiennes qui se livrent à la contrebande de carburant, de drogues et de produites de première nécessité » ainsi que contre les « des groupes consacrés à attaquer le système financier et monétaire du Venezuela à partir du territoire colombien. »

Récemment interrogé par le quotidien suisse Le Temps, le colonel Carlos Martinez Caballero, désormais membre du Parlement colombien, a fait part de son incertitude relative à l’évolution de la situation.

« Aujourd’hui, un éventuel conflit pourrait amener d’autres forces externes à s’opposer à la Colombie, comme le Nicaragua qui revendique des territoires maritimes. Même la position des États-Unis reste floue. Est-ce que, grâce à nos liens étroits, les Américains nous aideraient en cas d’attaque ou est-ce qu’ils songeraient avant tout aux bénéfices liés au pétrole vénézuélien? On reste dans le doute mais on sait qu’avec eux c’est ‘America First' », a expliqué l’officier.

Mais selon lui, un conflit ne « profiterait à personne » car « comme le Venezuela, nous n’avons pas les moyens logistiques pour entrer en guerre sur le long terme. Et je pense qu’il faut éviter à tout prix un conflit armé. » Et d’ajouter : « Cela dit, la Colombie devrait être plus active dans les contrôles et les patrouilles frontalières. C’est une faille importante. »

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