Les États-Unis tentent de dissuader les Philippines de se procurer deux sous-marins « Kilo » auprès de la Russie

Depuis l’élection du président Rodrigo Duterte, en 2016, les Philippines ont amorcé un rapprochement avec la Chine, avec laquelle, pourtant, l’archipel a des contentieux territoriaux, et la Russie. Ce qui a donné lieu à des livraisons d’armes ainsi qu’à la signature d’accords militaires, en particulier avec Moscou.

Pour autant, cette réorientation de la politique extérieure de Manille n’a pas empêché Washington et Canberra d’apporter leur soutien aux forces philippines au moment de la bataille de Marawi, ville submergée par des jihadistes proche de l’État islamique, en mai 2017.

Cet appui s’est traduit par l’envoi de forces spéciales américaines, le don d’avions ISR de type Cessna C208B Grand Caravan, des missions de renseignement, une formation au combat urbain et le déploiement, par l’Australie, de deux avions de surveillance AP-3C en soutien des opérations à Marawi.

Reste que, dans le même temps, Moscou a continué à renforce ses relations avec Manille, en particulier dans le domaine naval. En mai, Hermogenes Esperon Jr, le conseiller philippin à la sécurité nationale s’est rendu en Russie pour une série de réunions visant à développer les liens sécuritaires entre les deux pays et, le mois dernier, le vice-amiral philippin Robert Empedrad a fait le déplacement à Saint-Petersbourg, pour assister aux célébrations du jour de la marine russe.

Et, désormais, Manille envisage l’achat d’au moins deux sous-marins auprès de la Russie. « Nous sommes les seuls à ne pas avoir de capacités sous-marines [dans la région] », a récemment fait valoir Delfin Lorenzana, le ministre philippin de la Défense. « Nous examinons la possibilité de nous en procurer auprès de la Corée du Sud, de la Russie et d’autres pays », dont la France et l’Allemagne, a-t-il ajouté.

Le problème est que le budget militaire philippin est limité pour acquérir une telle capacité et que les offres sur le marché ne sont pas nombreuses. Aussi, la Russie paraît-elle bien placée pour satisfaire le besoin exprimé par Manille. En effet, Moscou aurait proposé deux sous-marins diesel-électrique de la classe Kilo tout en accordant des facilités de paiement et un prêt à taux réduit.

Ce projet s’est précisé au début du mois d’août. Au point que la finalisation d’un contrat est attendue d’ici 12 mois et qu’il a été question d’une livraison d’un premier sous-marin de la classe Kilo à la marine philippine d’ici 2023. D’ailleurs, « c’est ce que veut le président [Duterte] », a tranché M. Lorenzana, pour qui la constitution d’une force sous-marine serait « excellent stimulant moral pour les forces armées des Philippines. »

Seulement, cet achat de deux sous-marins russes par les Philippines est regardé avec scepticisme aux États-Unis, alliés historiques de l’archipel. Le 16 août, le secrétaire à la défense adjoint pour la région Indo-Pacifique, Randall Schriffer, a donc lancé une mise en garde.

« Je pense que [les Philippins] devraient y réflechir très attentivement », a lancé M. Schriffer à propos de ce projet d’acquisition de sous-marins, lors d’un déplacement à Manille. « S’ils procèdent à l’achat d’équipements [militaires] majeurs en Russie, alors je ne pense pas que ce soit une bonne chose à faire dans le cadre de notre alliance. Et je pense que, au final, nous pouvons être un meilleur partenaire que les Russes », a-t-il ajouté.

« Nous serons un bon allié … il ne devrait y avoir aucun malentendu ou manque de clarté sur l’esprit et la nature de notre engagement », a insisté le responsable américain.

En clair, l’acquisition de deux sous-marins Kilo pourrait faire perdre l’influence des États-Unis aux Philippines étant donné qu’un tel projet ne fera que renforcer les liens stratégiques entre Moscou et Manille. Aussi, M. Schriver a encouragé Manille à envisager l’achat de systèmes américains, car « l’interopérabilité est la clé de la coopération entre les forces américaines et philippines », a-t-il plaidé.

Seulement, Washington n’a rien à proposer pour satisfaire les besoins exprimés par la marine philippine étant donné que l’industrie navale américaine ne produit plus de sous-marins à propulsion dite classique…

Le lendemain, le président Duterte a répondu aux propos de M. Schriver. « Nous avons été avertis de ne pas acheter de sous-marins russes […] Est-ce la manière dont vous traitez vos alliés et vous voulez que nous restions avec vous pour toujours? Qui êtes-vous pour nous mettre en garde? », a-t-il lancé, lors d’un discours prononcé à Davao City.

Au passage, M. Duterte a critiqué les dernières livraisons d’équipements faites par les États-Unis aux forces philippines (livraisons qui sont le plus souvent des dons…), en déplorant leur « mauvais état. »

Puis le président philippin s’est emporté quand il a de nouveau évoqué les sous-marins. « Vous voulez que nous restions en arrière? Le Vietnam en a 7 (des sous-marins, nldr), la Malaisie en a 2, l’Indonésie en a 8. Nous n’en avons pas. Vous ne nous en avez pas donné », a-t-il dit à l’endroit des États-Unis.

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