Mme Parly remet en cause la politique d’emploi et de gestion des véhicules de l’armée de Terre
Bien que les derniers chiffres ont montré une légère amélioration, la disponibilité des véhicules de l’armée de Terre n’est pas encore satisfaisante, malgré la hausse des crédits et les réformes mises en place pour améliorer le Maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [MCO-T]. D’où l’étude commandée par la ministre des Armées, Florence Parly, à l’Ingénieur Général de Classe Exceptionnelle de l’Armement Vincent Imbert et au général de division (2S) Bernard Guillet.
Dans les grandes lignes, les difficultés du MCO-T sont liées à l’engagement intense des matériels de l’armée de Terre, en particulier sur des terrains difficiles comme c’est le cas dans la bande sahélo-saharienne, à la coexistence de véhicules appartenant à des générations différentes et à la vétusté de certains d’entre-eux.
En outre, les problèmes de disponibilité des matériels (qui ne concernent pas ceux déployés en opérations extérieures) font que l’entraînement des équipages est en deçà des normes admises, que la formation des personnels est contrariée et que les maintenanciers sont sur-sollicités.
Actuellement, la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres [SIMMT] assure la maîtrise d’ouvrage déléguée pour le MCO-T sous l’autorité du chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT].
L’on distingue deux niveaux du MCO-T : la maintenance dite « opérationnelle », assurée au sein des unités ou par les régiments du Matériel, et la maintenance dite « industrielles », qui relève soit du Service de Maintenance Industrielle des matériels Terrestres [SMITer], soit des industriels privés qui interviennent dans le cadre de contrats attribués par la SIMMT.
Lors d’un déplacement au 2e Régiment du Matériel, à Bruz, et sur la base de l’étude qu’elle a commandée, Mme Parly a dévoilé les contours d’une nouvelle organisation du MCO-T. Ainsi, le rôle de la SIMMT sera conforté au niveau de la maîtrise d’ouvrage. Mais celui des industriels est appelé à prendre plus d’importance. Tout comme leurs responsabilités.
« On ne peut pas se contenter de concevoir, de construire et mettre ensuite la maintenance de côté. Produire, c’est bien. Faire durer, c’est encore mieux. Le MCO est l’affaire de tous, État comme industriels. Je veux donc responsabiliser nos industriels, qui imaginent nos matériels, pour qu’ils se sentent pleinement engagés dans la maintenabilité de leurs équipements, de nos équipements », a ainsi affirmé Mme Parly.
« Armées, État, industrie : nous avons besoin de l’intelligence collective pour faire ensemble des équipements faciles à entretenir, des équipements durables. Nous allons associer plus les industriels au MCO terrestre et je fixe un objectif : que la part des maintenances lourdes réalisées par les industriels augmente, très sensiblement », a ensuite expliqué la ministre.
Ainsi, il est question que « 40% de nos activités industrielles de maintenance soient réalisées par les industriels d’ici 2025 », contre 15% actuellement, a annoncé par Mme Parly.
Et, étant donné qu’il « vaut mieux prévenir que guérir », l’implication des industriels sera plus forte en « amont ». En effet, et c’est cohérent avec la réforme de la Direction générale de l’armement [DGA] annoncée, « il nous faut une vision plus globale de nos programmes » d’armement, a estimé la ministre.
Aussi, a-t-elle continué, « la DGA, les états-majors, les industries et les maintenanciers doivent être associés au plus tôt à la conduite des programmes et je veux que les responsables de soutien en service soient de véritables officiers de programme maintenance. »
Toujours au chapitre de la « responsabilisation » des acteurs du MCO-T, Mme Parly a remis en cause la Politique d’emploi et de gestion des parcs [PEGP] de l’armée de Terre qui, mise en place en 2006, devait permettre d’optimiser l’utilisation des véhicules tout en rationnalisant leur maintenance afin de faire quelques économies.
Quatre parcs, organisés selon des « pôles » [Entraînement, Alerte, Gestion et Service permanent] furent ainsi créés pour permettre au aux régiments de disposer des matériels en nombre suffisant « au bon moment et au bon endroit. » En clair, un régiment de disposait plus en propre ses véhicules. En 2016, le CEMAT, Jean-Pierre Bosser, avait déjà remis en cause cette organisation.
« Il y a une dizaine d’années, l’armée de Terre a remodelé en profondeur l’emploi et la gestion de ses parcs, en faisant naître le principe du pooling. Cette décision obéissait à des nécessités d’emploi, elle a montré des effets bénéfiques mais elle montre aujourd’hui ses limites », a constaté Mme Parly.
« Quand nos marins ont un lien presque sentimental à leurs bâtiments, les soldats sont les dépositaires éphémères de matériels pourtant complexes et différents », a-t-elle poursuivi. Aussi, « nous devons renforcer le lien entre nos militaires et leurs matériels terrestres » car « ils ne doivent plus être les outils d’un jour mais bien les matériels qui accompagnent dans la durée », a estimé la ministre. Et, selon elle, cette approche aura des « bénéfices immenses », avec des « matériels mieux entretenus au jour le jour et une connaissance plus fine des réactions, des points forts comme des faiblesses de chaque outil. »
Désormais, et « chaque fois que cela sera possible », chaque matériel sera dorénavant affecté à un soldat, un équipage ou un groupe, a annoncé Mme Parly. « C’est le même qui sera utilisé en service permanent, à l’entraînement et, autant que possible, en opérations extérieures. Nous pourrons ainsi gagner en efficacité, en disponibilité et instaurer dès maintenant les meilleures pratiques pour préparer l’arrivée prochaine – et massive – des matériels du programme SCORPION », a-t-elle fait valoir.
« Les utilisateurs seront formés au diagnostic et une relation entre utilisateur et maintenancier sera établie, par un ‘tour d’engin’ normé à la perception et la restitution du matériel », précise-t-on du côté de l’état-major de l’armée de Terre.
Enfin, une autre piste abordée par Mme Parly est d’éviter, autant que possible, le retour en France de matériels envoyés en opérations « anormalement dégradés non par les assauts de l’ennemi mais par les carences de notre maintenance. » D’où l’idée de « placer la maintenance au plus près de nos forces en OPEX », en déployant davantage de maintenanciers sur le terrain « afin de permettre une action plus rapide. » Cela passera par la création de « groupes de maintenance à proximité des théâtres d’opération », capables d’assurer « des actes de maintenance lourde pour nos équipements du Sahel, plutôt que de les rapatrier systématiquement en France. »