Le président Macron veut définir une « stratégie spatiale de défense »
Le mois dernier, l’entreprise américaine de sécurité informatique Symantec a révélé qu’un groupe de pirates chinois appelé « Thrip » aurait mené une campagne d’espionnage visant des sociétés de télécommunications et d’imagerie géospatiale ainsi que des organismes du secteur de la défense implantés aux États-Unis et en Asie du Sud-Est. Plus précisément, il s’est intéressé aux systèmes de contrôle et de commande de satellites, ce qui laisse craindre à une possible piratage futur.
Ce n’est pas la première fois que le risque d’une cyberattaque visant des satellites est évoqué. En 2009, le « hacker » Adam Laurie démontra qu’il était possible d’intercepter un flux d’informations transmis par satellite avec un ordinateur, un décodeur de type Dreambox et quelques logiciels.
Puis, cinq ans plus tard, une étude de la société IOActive mit en évidence que les flux des satellites de télécommunications pouvaient être piratés à cause de « multiples vulnérabilités à haut risques » présentes dans les logiciels intégrés dans les terminaux d’accès satellitaires.
Aussi, la menace cyber rejoint-elle celle qui pèse sur les activités spatiales. Et, évidemment, cela ne doit pas être pris à la légère, comme du reste les autres moyens susceptibles de mettre hors service des satellites, ces derniers ayant pris une importance de plus en plus grande dans la vie quotidienne, que ce soit les communications, la cartographie, la surveillance, la géolocalisation (le GPS, par exemple, permet aux Bourses de fonctionner à la micro-seconde près), le transport et, évidemment, les opérations militaires.
Si les armes anti-satellites « classiques », comme peut l’être un missile, sont désormais dépassées en raison des débris qu’elles provoquent (et qui peuvent donc endommager les satellites de l’assaillant), d’autres ont fait leur apparition. Le cyber en fait naturellement partie, que ce soit pour prendre le contrôle d’un engin ou perturber son fonctionnement (brouillage). Des systèmes lasers susceptibles d’endommager l’électronique embarquée ou le système de communication sont en cours de développement. Et l’on peut également citer l’apparition de « satellites-butineurs ».
« Les systèmes spatiaux sont susceptibles d’être attaqués, comme tous les autres systèmes, et sont protégés. Mais, par nature, leur protection, en orbite, est matériellement plus difficile que celle des autres systèmes souverains. On a pu observer des cas précis de satellites dits ‘butineurs’, et l’on se prémunit d’éventuels méfaits par des méthodes classiques de codage et de blindage contre les tirs lasers et les charges électromagnétiques », avait ainsi expliqué Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d’études spatiales [CNES], lors d’une récente audition parlementaire.
Ces menaces sur l’espace exo-atmosphérique ont été soulignées par la Revue stratégique publiée en octobre 2017. « Les progrès des techniques de rendez-vous dans l’espace, les capacités de robotique et de propulsion électrique permettent de réparer, de ravitailler en carburant voire de désorbiter des engins spatiaux. Sous couvert d’objectifs civils, des États peuvent donc financer ouvertement des technologies potentiellement antisatellites. Celles-ci permettraient la mise en service d’outils dont les actions seraient beaucoup plus difficiles à détecter, à suivre, à attribuer et à contrer que des actions exo-atmosphériques plus classiques (missiles, lasers, brouilleurs…) », peut-on y lire.
La Loi de Programmation Militaire [LPM] 2019-25 que le président Macron vient de promulguer, prend en compte cette « arsenalisation » de l’espace.
« La capacité à détecter et attribuer un éventuel acte suspect, inamical ou agressif dans l’espace constitue donc une condition essentielle de notre protection. Nos capacités nationales de surveillance de l’espace exo-atmosphérique (Space Surveillance and Tracking, SST) et de connaissance de la situation spatiale (Space Situational Awareness, SSA) seront consolidées, notamment par le renforcement du Commandement Interarmées de l’Espace et du Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes », indique le rapport annexé de la LPM.
En outre, d’autres considérations (industrielles, scientifiques, technologiques et économiques sont à prendre en compte. Comme par exemple l’émergence d’acteurs privés, comme SpaceX ou Blue Origin. Ces derniers remettent en cause le modéle économique du secteur spatial en « cassant » les prix des lancements. Et cela peut mettre en péril la souveraineté européenne en matière d’accès à l’espace.
Alors que, aux États-Unis, il est désormais question de créer une « force spatiale », le président Macron fait de l’espace un enjeu de sécurité nationale. C’est en effet ce qu’il a affirmé, lors de son discours prononcé à l’occasion de la réception donnée par le ministère des Armées à la veille du 14-Juillet.
L’espace est « essentiel pour nos opérations » et « par les incroyables potentialités qu’il offre mais également par la conflictualité qu’il suscite », il « est […] un véritable enjeu de sécurité nationale », a en effet affirmé M. Macron. « C’est pourquoi je veux que nous définissions, au cours de la prochaine année, une stratégie spatiale de défense », a-t-il annoncé.
« Cette stratégie spatiale de défense aura vocation aussi à être déclinée, sur tous les aspects pertinents, sur le plan européen », a en encore précisé le président de la République.
A priori, cette stratégie spatiale de défense devrait être connue dès l’automne prochain. « Il faut pouvoir investir dans le domaine spatial plus que nous le faisons encore pour pouvoir surveiller cet espace et éviter qu’il ne devienne un espace de confrontations majeures », a déjà souligné Florence Parly, la ministre des Armées, en juin dernier.