Otan/Russie : M. Trump met l’Allemagne devant ses contradictions

À la veille du sommet de l’Otan, qui se tient à Bruxelles, ce 11 juillet, le président du conseil Européen, Donald Tusk, a tenu à mettre les choses au point avec Donald Trump, le chef de la Maison Blanche, lequel ne cesse de reprocher aux membres de l’Otan la faiblesse de leurs dépenses militaires.

« Chère Amérique, considérez mieux vos alliés, après tout vous n’en avez pas tant que ça. L’Europe dépense plus pour votre défense parce que chacun respecte un allié qui est bien préparé et bien équipé. L’argent est important mais en général, la solidarité est encore plus importante’, a ainsi répondu M. Tusk aux propos tenus par le président américain.

« À propos de solidarité, je voudrais contredire l’argument […] qui considère que les États Unis sont seuls à protéger l’Europe contre ces ennemis. L’Europe a été la première à proposer une réponse à la hauteur quand les États Unis ont lancé un appel à la solidarité après le 11 septembre », a encore rappelé le responsable européen.

Mais, visiblement, ces remarques n’ont eu aucun effet sur M. Trump qui, dans le même temps et via Twitter, a renouvelé ses critiques à l’endroit des pays européens membres de l’Otan.

Aussi, le sommet de Bruxelles s’annonçait tendu. Et il l’est. Comme l’on pouvait s’y attendre, notamment pour des raisons économiques et militaires, Berlin a été la cible des attaques de M. Trump.

« L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie […] elle est prisonnière de la Russie », a lancé le chef de la Maison Blanche. « Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n’est pas juste », a-t-il ajouté. Et force est d’admettre que cette remarque n’est pas totalement dénuée de sens.

Pour rappel, le Livre blanc sur la défense publié par Berlin en 2016 ne parle plus de la Russie comme un « partenaire » de l’Allemagne, comme cela avait été le cas dix ans plus tôt, mais comme un « défi pour la sécurité de notre continent ». Et le document d’accuser Moscou de vouloir « remettre ouvertement en question la paix en Europe » après l’annexion de la Crimée, en mars 2014.

Avec cette déclaration, M. Trump a visé le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier directement la Russie à l’Allemagne. L’objectif est de contourner l’Ukraine et d’assurer l’approvisionnement en gaz naturel d’une partie des pays des membres de l’Union européenne.

Seulement, ce projet divise les Européens, ceux de l’Est y étant farouchement opposés. Mais pas seulement, comme le montrent les propos du président américain.

« Les États-Unis ont toujours été opposés à ce projet, pointant une contradiction fondamentale de la politique allemande. […] D’un côté le pays est un partenaire engagé de l’Otan en faveur du régime de sanctions [contre la Russie]. Dans le même temps, l’Allemagne n’arrive pas à reconnaître la dimension politique de Nord Stream 2 et semble assez indifférente à fournir à la Russie un levier politique supplémentaire », a ainsi expliqué l’analyste Marco Giuli, du centre de réflexion European Policy Centre (EPC), à l’AFP.

C’est d’ailleurs l’argument développé par Jacek Czaputowicz, le ministre polonais des Affaires étrangères. Nord Stream 2 « est un exemple de pays européens qui fournissent des fonds à la Russie, lui donnent des moyens qui peuvent être utilisés contre la sécurité de la Pologne », a-t-il fait valoir.

Les membres de l’UE importent deux tiers de leurs besoins en gaz naturel. En 2017, cela a représenté un marché de 75 milliards d’euros. Or, la Russie se taille la part du lion, avec la moitié des importations européennes. D’où le paradoxe de maintenir les sanctions à l’égard de Moscou tout lui achetant toujours plus de gaz, lequel est en plus 20% moins cher par rapport à celui proposé par d’autres pays exportateurs.

Et il est compliqué de vouloir faire autrement. Les capacités de production de la Norvège sont à leur maximum et l’Algérie n’est pas en mesure de suivre la demande, faute d’avoir fait les investissements nécessaires pour son système de production.

La Pologne, qui est vent debout contre Nord Stream 2, ne peut actuellement pas se passer du gaz russe, qui représente 40% de sa consommation. Cependant, elle s’est donné comme objectif de mettre fin à ses contrats d’approvisionnement (passés auprès de Gazprom) d’ici 2022, en s’adressant à la Norvège et au Qatar. La Lituanie, qui, de par sa population, a des besoins moindres, a trouvé une solution en important du gaz naturel liquéfié des États-Unis. Une autre source est possible : la Méditerranée orientiale, où, au cours de ces six dernières années, près de 2.000 milliards de mètres cubes de gaz ont été découverts…

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