Le Royaume-Uni pourrait perdre sa place de plus proche allié des États-Unis au profit de la France

Un peu moins d’un mois avant le sommet de l’Otan, qui aura lieu les 11 et 12 juillet à Bruxelles, le président américain, Donald Trump, a envoyé une lettre à 9 membres de l’Alliance (Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg, et les Pays-Bas, Norvège et Canada) pour leur demander d’augmenter leurs dépenses militaires, conformément à leurs engagements.

Le Royaume-Uni, qui est l’un des rares pays de l’Otan à dédier 2% de sa richesse nationale à sa défense (soit environ 40 milliards d’euros), a échappé à la vindicte de la Maison Blanche… Mais pas à celle du Pentagone.

Fin juin, le comité de la Défense de la Chambre des communes a estimé, dans un rapport, que l’effort budgétaire en faveur des forces armées britanniques devraient être de 2,5 à 3% du PIB afin de leur permettre de maintenir leurs capacités actuelles, voire de les améliorer. L’enjeu est de pouvoir conserver la relation militaire particulière entre Londres et Washington.

Le lien militaire entre le Royaume-Uni et les États-Unis est « l’un des pilliers de la relation bilatérale », a souligné ce rapport.

« Les forces armées britanniques et le Trésor profitent de nos relations étroites avec les États-Unis. Toutefois, cela ne restera vrai qu’à la condition que les armées britanniques conserveront leurs capacités et maintiendront leur interopérabilité avec leurs homologues américaines. Pour que ce soit le cas, le ministère de la Défense [MoD] doit être financé de manière appropriée », a fait valoir le comité de la Chambre des communes.

« Les dépenses de défense sont un domaine où un message fort doit être envoyé à nos alliés comme à nos adversaires » a affirmé Julian Lewis, le président du Defence Select Committee.

D’où la nécessité d’augmenter fortement les dépenses militaires britanniques. Le rapport évalue cet effort 8 milliards de livres sterling par an (9 milliards). Ce qui paraît considérable… Mais cela le semble moins par rapport aux 20 milliards de livres supplémentaires que chancelier de l’Échiquier, Philip Hammond prévoit de allouer d’ici 2023/24 au secteur de la santé. Évidemment, cela ne laissera aucune marge de manoeuvre pour Gavin Williamson, le ministre britannique de la Défense.

Actuellement, Londres doit financer le renouvellement de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), dans le cadre du programme Dreadnought, la construction et la montée en puissance de deux porte-avions, qui n’auront qu’une interopérabilité limitée avec les capacités aéronavales américaines, et l’acquisition d’avions F-35. À cela s’ajoutent d’autres projets concernant plus particulièrement la British Army (achat de nouveaux blindés ARTEC Boxer, par exemple).

Ayant engagé un bras de fer pour obtenir plus de moyens financiers pour les forces britanniques, M. Williamson a reçu son homologue américain, James Mattis, à Londres, le 9 juin dernier. Trois jours après, le chef du Pentagone lui a adressé un courrier dont la teneur n’a été révélée que trois semaines plus tard.

La manoeuve a-t-elle été concertée entre les deux hommes? Toujours est-il que dans cette lettre, M. Mattis fait part de son inquiétude face à l’érosion de la puissance militaire britannique tout en soulignant l’engagement de la France d’augmenter fortement ses dépenses de défense.

Ayant reconnu que Londres respecte ses engagements au sein de l’Otan, M. Mattis a cependant estimé que le rôle du Royaume-Uni dans le monde « nécessite un niveau de dépenses plus élevé que celui d’alliés n’ayant que des intérêts régionaux. »

Or, a-t-il a continué, « en tant qu’acteurs mondiaux, la France et les États-Unis ont conclu que le moment était venu d’augmenter considérablement leurs investissements dans la défense. D’autres alliés suivent le mouvement. »

« Il est dans l’intérêt de nos deux pays que le Royaume-Uni reste le partenaire privilégié des États-Unis », a ajouté M. Mattis. Faute de quoi, Paris pourrait bien ravir la place d’allié militaire le plus proche de Washington.

« Ce n’est pas à moi de vous dire comment hiérarchiser vos priorités de dépenses domestiques, mais j’espère que le Royaume-Uni sera bientôt en mesure de partager avec nous un plan de défense clair et entièrement financé qui me permettra de planifier notre futur engagement avec vous à partir d’une position de force et de confiance », a encore écrit le chef du Pentagone.

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